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| Alfred de Vigny (1797-1863) CHANT TROISIÈME L'URNE | |
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Auteur | Message |
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James FONDATEUR ADMINISTRATEUR
Nombre de messages : 152463 Age : 60 Localisation : Mon Ailleurs c'est Charleville-Mézières Date d'inscription : 04/09/2007
| Sujet: Alfred de Vigny (1797-1863) CHANT TROISIÈME L'URNE Sam 10 Nov - 8:06 | |
| CHANT TROISIÈME
L'URNE
Cette urne que je tiens contient-elle sa cendre? O vous! à ma douleur objet terrible et tendre, Éternel entretien de haine et de pitié! (CORNEILLE)
« Aux armes, fils d'Ottman, car de sa voix roulante « Le tambour vous rappelle à la tâche sanglante. « Le canon gronde encor sur le fort de Phylé. « Le coeur des Giaours à ce bruit a tremblé, « Sous leurs tombeaux détruits ils ont caché leur tête; « Mais le sabre courbé va sortir, et s'apprête « A confondre bientôt leurs crânes révoltés « Aux cendres des aïeux qui les ont exaltés. « Poursuivons des vils Grecs le misérable reste, « Abandonnez ces vins que Mahomet déteste, « Et ces femmes en pleurs qui meurent dans les cris, « Indignes des guerriers qu'attendent les houris! » Ainsi criait l'Émir, et dans sa main sanglante S'agitait de Damas la lame étincelante; Son cheval bondissant écumait sous le mords, Et ses fers indignés glissaient au sang des morts, Quand le maître animait sa hennissante bouche, Et d'un large étrier pressait le flanc farouche. Éveillés à ses cris, ses soldats basanés S'avancent d'un pas ivre et les yeux étonnés. | |
| | | James FONDATEUR ADMINISTRATEUR
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| Sujet: Re: Alfred de Vigny (1797-1863) CHANT TROISIÈME L'URNE Sam 10 Nov - 8:07 | |
| Quand le tigre indolent sorti de sa mollesse, De ses flancs tachetés déployant la souplesse, A saisi dans ses bonds le chevreuil innocent, Long-temps après sa mort il lèche encor son sang, Il disperse sa chair d'un ongle plein de joie, Roule en broyant les os et s'endort sur sa proie. Non moins lâche et cruel, le Musulman trompeur Se venge sur les morts d'avoir senti la peur; Il demande la paix, il l'obtient par la feinte; Puis, la tête ennemie, offerte à lui sans crainte, Tombe, et lui sert de coupe à ce même festin Qu'avait, pour le traité, préparé le matin. En de telles horreurs Athène était plongée, Et tant de cris sortaient d'une foule égorgée, Que, si j'osais conter d'une imprudente voix Ces attentats, un jour le repentir des rois, Le guerrier briserait son impuissante épée Dans son élan vengeur par le devoir trompée, La mère, des chrétiens accusant la lenteur, Regardant vers le seuil, sur un sein protecteur Presserait son enfant; et la vierge innocente Cacherait dans ses mains sa tête rougissante. Au bruit de la timbale et des clairons d'airain Les coursiers se cabrant font résonner le frein; Leurs fronts jettent l'écume et leurs pieds la poussière, Du sultan de Stamboul élevant la bannière Le Pacha vient, on part. Les Spahis en marchant Règlent leur pas sonore aux mots sacrés du chant; | |
| | | James FONDATEUR ADMINISTRATEUR
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| Sujet: Re: Alfred de Vigny (1797-1863) CHANT TROISIÈME L'URNE Sam 10 Nov - 8:07 | |
| Allah prépare leur défaite; Priez, chantez : Dieu seul est Dieu, Et Mahomet est son Prophète. Le Koran gouverne ce lieu : Que le Giaour tombe et meure. Dans la flamboyante demeure Par Monkir il sera jeté, La terre brûlera l'impie, Car sa tombe sera sans pluie Sous les dards plombés de l'été. | |
| | | James FONDATEUR ADMINISTRATEUR
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| Sujet: Re: Alfred de Vigny (1797-1863) CHANT TROISIÈME L'URNE Sam 10 Nov - 8:07 | |
| Le Croyant superbe s'avance; Il est brave; il sait que son sort Avec lui marche, écrit d'avance Sur l'invisible collier d'or ; Son front sous le dernier génie, Dont le vol a de l'harmonie, Se courbe sans être irrité. La prévoyance est inhabile A reculer l'heure immobile Que marque la fatalité. | |
| | | James FONDATEUR ADMINISTRATEUR
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| Sujet: Re: Alfred de Vigny (1797-1863) CHANT TROISIÈME L'URNE Sam 10 Nov - 8:07 | |
| Si la mort frappe le fidèle Quittant son paradis vermeil Et déployant l'or de son aile, La Péri viendra du soleil. Ses chants le berceront de joie, Ses doigts ont travaillé la soie Où le brave doit reposer; L'entourant d'une écharpe verte, Sa bouche de rose entr'ouverte L'accueillera par un baiser. | |
| | | James FONDATEUR ADMINISTRATEUR
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| Sujet: Re: Alfred de Vigny (1797-1863) CHANT TROISIÈME L'URNE Sam 10 Nov - 8:07 | |
| Qui puisera les eaux sacrées Dans la fontaine de Cafour , Où les houris désaltérées Chancellent et tombent d'amour? Leurs yeux doux, qu'un cil noir protège, Vous regardent : leurs bras de neige Applaudiront au combattant; Et dans des coupes d'émeraude Une liqueur vermeille et chaude Coule de leurs doigts et l'attend. | |
| | | James FONDATEUR ADMINISTRATEUR
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| Sujet: Re: Alfred de Vigny (1797-1863) CHANT TROISIÈME L'URNE Sam 10 Nov - 8:07 | |
| Allah prépare leur défaite, Il a pris le glaive de feu; Priez, chantez : Dieu seul est Dieu, Et Mahomet est son Prophète. | |
| | | James FONDATEUR ADMINISTRATEUR
Nombre de messages : 152463 Age : 60 Localisation : Mon Ailleurs c'est Charleville-Mézières Date d'inscription : 04/09/2007
| Sujet: Re: Alfred de Vigny (1797-1863) CHANT TROISIÈME L'URNE Sam 10 Nov - 8:08 | |
| Si de grands boeufs errans sur les bords d'un marais Combattent le loup noir sorti de ses forêts, Longtemps en cercle étroit leur foule ramassée Présente à ses assauts une corne abaissée, Et, reculant ainsi jusque dans les roseaux, Cherche un abri fangeux sous les dormantes eaux. Le loup rôde en hurlant autour du marécage : Il arrache les joncs, seule proie à sa rage, Car, au lieu du poil jaune et des flancs impuissans, Il voit nager des fronts armés et mugissans. Mais que les aboiements d'une meute lointaine Rendent sûrs ses dangers et sa fuite incertaine, Il s'éloigne à regret; son oeil menace et luit Sur l'ennemi sauvé que lui rendra la nuit : Tandis que, rassuré dans sa retraite humide, Le troupeau laboureur, devenu moins timide, Sortant des eaux ses pieds fourchus et limoneux, Contemple le combat des limiers généreux. Tels les Athéniens, du haut de leurs murailles, Écoutaient, regardaient les poudreuses batailles. « Quels pas ont soulevé ce nuage lointain? « Ces sables volent-ils sous le vent du matin? « Se disaient-ils : quittant l'Afrique dévorée, « Le Semoun flamboyant souffle-t-il du Pyrée? « Il accourt vers Athène, et renverse en courant « L'Ottoman qui résiste, et le laisse mourant. « Ce sont des Grecs; voyez, voyez notre bannière! « Elle est resplendissante à travers la poussière. » Mora la soutenait, et ses exploits errans Bien loin derrière lui laissaient les premiers rangs. Tenant sa main, paraît la belle et jeune fille. Pâle; un crucifix d'or au-dessus d'elle brille. Elle osait l'élever d'un bras ferme et pieux, Sans craindre d'appeler la mort avec les yeux, Marchait, et d'un oeil sûr comme sachant leurs crimes, Au Grec avec sa croix désignait ses victimes. Lui, suspendait ses pas, et sa froide fureur Frappait, en souriant de dédain et d'horreur. Alors on entendit, du haut des édifices, Des femmes applaudir ces sanglans sacrifices; Elles criaient : « O Grèce! ô Grèce! lève-toi! « L'ange exterminateur vient, guidé par la foi! » Et, la joie et les pleurs se mêlant aux prières, De leurs murs démolis précipitaient les pierres, Et l'huile bouillonnante, et le plomb ruisselant Jetés avec fracas en fleuve étincelant, Répandaient aux turbans que choisissaient leurs haines, Des maux avant-coureurs des éternelles peines; Tandis que, soulevant les pierres des tombeaux, Leurs pères, leurs enfans, leurs époux en lambeaux, Sortaient, pour le combat, de leurs retraites sombres, Et de leurs grands aïeux représentaient les ombres.
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| | | James FONDATEUR ADMINISTRATEUR
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| Sujet: Re: Alfred de Vigny (1797-1863) CHANT TROISIÈME L'URNE Sam 10 Nov - 8:08 | |
| Les Turcs tombent alors vaincus; les deux amans D'un pied triomphateur foulaient ces corps fumans. Comme on voit d'un volcan le feu long-temps esclave Tonner, couler, descendre en une ardente lave, Et, confondant les rocs et les toits arrachés, Aux cadavres brûlants des chênes desséchés, Renouveler le Styx pour les tremblantes plaines, Tels marchaient après eux les rapides Hellènes. Leurs bras rassasiés, désoeuvrés de martyrs, Arrachaient en passant quelques derniers soupirs; Mais leurs yeux et leurs pas tendaient vers la fumée Qui roulait en flots noirs sur l'église enflammée. Là tombaient des chrétiens au pied de leur autel; On entendait le cri sans voir le coup mortel, Car l'incendie en vain éclairait tant de crimes; Les portes dérobaient et bourreaux et victimes. On les frappe à grand bruit. Calme comme un vainqueur, Mora pressait alors Héléna sur son coeur. « Viens, disait-il, viens voir la maison paternelle, « Puisque ses murs quittés te font si criminelle; « C'est là ta seule peine. Allons, viens avec moi, « Le vainqueur amoureux va supplier pour toi; « J'y vais trouver ensemble et ta main et ta grâce : « Qu'as-tu fait que la gloire et notre amour n'efface? » Mais elle s'avançait : « Ne parlez pas ainsi, « Vous allez m'affaiblir; Dieu m'a conduite ici! » Et le délire alors semblait troubler sa vue Vers le temple brûlant toujours, toujours tendue. « C'est Dieu qui me fait voir quel doit être mon sort! « Silence! taisons-nous; j'entends venir ma mort! On entendait, au fond de l'église en tumulte, Des hurlemens, des cris de femmes, et l'insulte, Et le bruit de la poudre et du fer. Cependant Un nuage de feu sortait du toit ardent. « Mon ami, disait-elle, ô soutenez mon âme! « Rendez-moi forte : hélas! je ne suis qu'une femme; « Quand je vous vois, je sens que j'aime encor le jour; « Il ne me reste plus à vaincre que l'amour; « Pour l'autre sacrifice, il est fait. » Et ses larmes Qu'elle voulait cacher, l'ornaient de nouveaux charmes. Lui, la priait de vivre, et ne comprenait pas Quels chagrins l'appelaient à vouloir le trépas. Elle était sur son coeur; sa tête était penchée. On croyait-qu'à ses cris elle serait touchée; Mais la porte du temple est ouverte, et l'on voit Tous ceux que menaçait le poids brûlant du toit : Tous les Turcs étaient là; mais, chacun d'eux s'arrête, Croise ses bras, jetant son fer, lève la tête, Et sur la mort qui tombe ose fixer les yeux. Un seul cri de terreur s'élève jusqu'aux Cieux; Le dôme embrasé craque, et dans l'air se balance. « Je les reconnais tous! » dit-elle. Elle s'élance. Et sur le seuil fumant monte. « Je meurs ici! « - Sans ton époux, dit-il. - Mes époux? les voici! « Je meurs vengée! Adieu, tombez, murs que j'implore; « Les Cieux me sont ouverts, mon âme est vierge encore! » Et le clocher, les murs, les marbres renversés, Les vitraux en éclats, les lambris dispersés, Et les portes de fer, et les châsses antiques, Et les lampes dont l'or surchargeait les portiques, Tombent; et dans sa chute ardente, leur grand poids De cette foule écrase et la vie et la voix. Long-temps les flots épais d'une rouge poussière Du soleil et du ciel étouffent la lumière; On espère qu'enfin ses voiles dissipés Montreront quelques Grecs au désastre échappés; Mais la flamme bientôt, pure et belle, s'élance Et sur les morts cachés brille et monte en silence. | |
| | | James FONDATEUR ADMINISTRATEUR
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| Sujet: Re: Alfred de Vigny (1797-1863) CHANT TROISIÈME L'URNE Sam 10 Nov - 8:08 | |
| Cependant, vers le soir, les combats apaisés Livrèrent toute Athène aux vainqueurs reposés. Après l'effroi d'un jour que la flamme et les armes Avaient rempli de sang et de bruit et d'alarmes, Sur les murs dévastés, sur les toits endormis, Le lune promenait l'or de ses feux amis. Athène sommeillait; mais des clartés errantes, Puis, dans l'ombre, des cris soudains, des voix mourantes De quelques fugitifs venaient glacer les coeurs; Ils craignaient les vaincus non moins que les vainqueurs. Ils étaient Juifs. Surtout en haut de la colline Que du vieux Parthenon couronne la ruine, Dans ses piliers moussus, ses anguleux débris, Ils avaient cru trouver de plus secrets abris. Comme l'humble araignée et sa frêle tenture Des lambris d'un palais dérobent la sculpture, Une Mosquée, au coin du temple chancelant, Suspendait sa coupole et cachait son front blanc : C'est là qu'une famille, encor d'effroi troublée, En cercles ténébreux s'était toute assemblée; Autour d'un candélabre aux autels dérobé, Ils comptaient l'amas d'or entre leurs mains tombé. Les sabres de Damas que le soldat admire, Et les habits moelleux tissus à Cachemire, Les calices chrétiens, les colliers, les croissans, Ces boucles, de l'oreille ornemens innocens : Car aux fils de Judas toute chose est permise, Comme dans leurs trésors toute chose est admise. D'avance épouvantés d'images de trépas, Tous ces Juifs ont frémi; l'on entendait des pas, Le pas d'un homme seul sous la voûte sonore : Il marchait, s'arrêtait, et puis marchait encore. Et l'écho des degrés, en bruits sourds et confus, Leur renvoya ces mots vingt fois interrompus : | |
| | | | Alfred de Vigny (1797-1863) CHANT TROISIÈME L'URNE | |
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