A Saint-Malo...
À Saint-Malo, beau port de mer... Une mer qui conduit
vers un autre monde, une mer qui ignora longtemps le rêve
des conquistadors, leur vol d'or vers un Eldorado, riche de
pierreries, de minerais, d'érables au suc enivrant.
Un jour, Cartier s'y embarqua, sûr de découvrir un
univers inconnu, Cartier et tous ceux qui vinrent créer, là-bas,
une France nouvelle.
Jacques Cartier, Claude de Pontbriand, vos noms chantent
éternellement dans ce beau port de mer!
Non loin de là, dans un autre estuaire qui s'ouvre sur
l'Amérique, la vague bat, de sa plainte qui n'a de cesse, ce
cimetière où dort ton premier grand poète, patrie oublieuse. Il
dort, bercé par la grande plainte océane qui n'a pu apaiser,
vivant, l'amertume de ses regrets et les protestations de son
coeur.
Le Havre et Saint-Malo conjuguent nos gloires dans
l'azur français. Dans ce beau port de mer, l'âme de Crémazie
chante encore et se plaint. Il est bien tard, Amérique, pour
répondre à cette plainte, calmer cette douleur. Et ce n'est
qu'à une ombre que tu offres maintenant de stériles présents.
Le Havre et Saint-Malo conjuguent nos gloires dans
l'azur.
Mais quand même, passants, hommes d'un jour, nous
irons jouer dans l'île après une promenade sur l'eau.
Nous oublierons l'histoire et ses fameuses aventures, le
nom des grands hommes - la poésie et l'action - et nous
rirons dans l'île parce que, demain, dans ce beau port notre
nom ne résonnera pas éternellement. Éphémères, nous
courrons dans l'île où le vent du soir viendra effacer la trace
de nos pas.