Rêves et réalités
11 mars 1906
Combien de frissons de belles images
Le rêve prodigue à nos faibles coeurs
Quand son livre d'or nous montre les pages
Où se lit partout le doux mot « bonheurs »
Calme est le séjour où notre chimère
Nous conduit bien loin des sombres douleurs
Grand est le destin qui rend moins amère
La dure caresse de nos malheurs
Cette paix suprême oui je l'ai connue
A l'âge ou l'enfant ne sait pas douter
Mais plus tard hélas je l'ai trop vécue
Et j'ai trop souffert pour la regretter
Je vivais heureux et dans cette vie
Où tout disparaît jusqu'aux souvenirs
J'ignorais pourquoi l'extase ravie
Change notre joie en tristes soupirs
Le jour commençait et la nuit affreuse
Pour moi n'avait pas la grande frayeur
Qui trouble souvent notre âme peureuse
Comme un spectre noir au rire moqueur
C'était l'âge d'or et de la jeunesse
L'âge dont les vieux ont souvent parlé
L'âge où sans souci d'aucune détresse
L'homme est à l'abri de l'adversité
Quinze ans ont passé et de gros nuages
Dans l'azur du ciel se sont arrêtés
Alors j'ai compris les nombreux ravages
Que le rêve fait aux réalités
L'Espérance a fui les noires ténèbres
Qui m'enveloppaient de chagrins nouveaux
Depuis ce temps-là les rêves funèbres
Au sein de la nuit me semblent plus beaux
Honoré HARMAND