Diplôme d'Honoré HARMAND
Le bonheur
20 mars 1937
Quel est donc ce génie auquel on croit sans cesse
Qui propage son mal dans une âme en détresse
Ou dans un coeur blessé ?
Le quel de nous succombe à son pouvoir magique
A son baiser menteur, son rire sarcastique :
Seulement l'insensé !
Sous des masques divers, acteur, il se déguise.
La chanson des écus prend l'avare et le grise
De la fièvre de l'or.
Mais s'il lui faut puiser au fond de sa cassette
Il voit de sa gaîté surgir l'affreux squelette
Du fond de son trésor.
Les amants à son nom accordent confiance.
Les désirs et l'extase à la même cadence
Font battre tous les coeurs.
L'amante, certain soir, confuse et méprisée
Comprend, trop tard hélas ! Qu'elle s'est abusée
Sur les amours vainqueurs.
Le poète amoureux a guidé sa chimère
Dans les sentiers fleuris des jardins de Cythère
Aux troublantes senteurs.
L'heure d'après le rêve, en pleurant, il s'éveille
Penchant son front glacé qu'une trop longue veille
A couvert de moiteurs.
Le vieillard chancelant, au déclin de sa vie
Fixe son cher passé d'un regard sans envie
Mais avec volupté.
Il tend encor ses bras vers une ombre invisible
Mais près de lui, sans voir marche un spectre insensible
D'un pas qu'il a compté.
Où s'arrêtera-t-il ce fantôme qui rôde
En suivant, des mortels, l'inexprimable exode
Sans jamais se lasser ?
Nulle part. Aucun point de la route infinie
Ne saurait retenir cet étrange génie :
Il ne fait que passer !
Honoré HARMAND