La Vie
3 juillet 1936
La Vie est une belle gueuse,
Une attrayante ensorceleuse,
Une amante au regard fatal.
Combien résistent à l'étreinte
Quand sur sa lèvre ou meurt la plainte
Nous goûtons le baiser du mal.
Inventant de belles chimères
Elle grise le coeur des mères
Et des faibles adolescents.
Sa voix est douce et caressante
Et la masse reconnaissante
Pour elle fait brûler l'encens.
Mais c'est une femme fardée
Qui, dans la nuit, s'est attardée
A courir les bals mal famés.
Qui de nous ne voit cette image
D'un regard où le lourd nuage
Se cache sous les yeux fermés.
Combien ses plaisirs sont fugaces
Lorsque prolongés par les glaces
Du palais où l'on va chercher
Le noeud gordien de son intrigue
En désirs menteurs si prodigue
Que nul n'ose le détacher.
Elle n'a, pour moi, d'autres charmes
Que celui de voiler de larmes
Mes yeux désormais sans clarté.
Lorsque d'une heure fugitive
Le souvenir à l'âme vive
M'en fait revivre la beauté.
Honoré HARMAND