PLUME DE POÉSIES
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 Honoré Harmand (1883-1952) Ce que j'ai vu

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James
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Honoré Harmand (1883-1952) Ce que j'ai vu Empty
MessageSujet: Honoré Harmand (1883-1952) Ce que j'ai vu   Honoré Harmand (1883-1952) Ce que j'ai vu Icon_minitimeMer 27 Fév - 21:57

Ce que j'ai vu
25 mai 1906.

Que ne puis-je être hélas un immortel génie
Pour chanter le grand rêve où j'aperçus la vie
Sous les tableaux changeants de la joie aux douleurs
Sous la trompeuse loi des sourires aux pleurs
Sur la scène vivante aux sombres comédies
Au sein même et sous l'oeil des foules étourdies
Et dans l'obscurité comme aux clartés du jour
Dans le vice caché au profond de l'amour.

C'était par un beau soir tout imprégné de rêve
Un de ces soirs d'été où l'heure passe brève,
Où le temps fuit rapide emportant nos désirs
Comme la brise froide aux sinistres soupirs
Je voguais incertain sur l'océan du vide
En guidant mon esquif sur ce grand flot stupide
Qui grandit les mortels aux portes du Trépas
Nom qu'on donne à la route où s'égarent nos pas.
Qu'on appelle Destin, hasard ou existence
Noms différents entre eux sans grande différence
Les rayons affaiblis d'un beau soleil couchant
Donnaient à la nature un aspect si charmant
Que mon coeur endurci devant cette merveille
Sentit comme un reflet de la flamme vermeille
Eclairer ma souffrance et mon grand désespoir
Comme un dernier rayon sur l'ombre d'un beau soir ;
Un souffle de gaieté traversa ma pensée
Oubliant mes chagrins ma douleur insensée
Je dis à ce tableau dans l'abîme des temps
Vas-tu fuir t'effacer pour renaître au Printemps
Mais déjà de la nuit la grande écharpe sombre
Sur le soleil couchant semblait jeter son ombre
Et comme le plaisir aux trompeuses douceurs
Le jour disparaissait en de faibles lueurs.

Cette heure du couchant comme elle me rappelle
Les jours de la gaieté dont la fin est cruelle
Il est de ces instants qu'on ne peut oublier
Mon frêle esquif allait au gré du nautonier.
Les roseaux chancelants sous la brise légère
Semblaient courber le front pour saluer la terre
Les vagues s'agitaient formant un grand sillon
Que la coque traçait, que creusait l'aviron
Et courant en rouleaux se heurtant au rivage
Elles semblaient vomir la colère et l'outrage
Dans ce tableau du soir un instant entrevu
Un plaisir passager voilà ce que j'ai vu.

Au sein de la forêt sous ses arches profondes
J'aperçus un ruisseau qui promenait ses ondes
Il coulait ignoré loin des yeux indiscrets
Comme les jours d'un homme aux modestes secrets
Des fleurs parfums perdus à la tige chétive
Etaient tout l'ornement de sa source craintive
Caché sous l'herbe fraîche et sous les rameaux verts.
Il figurait l'oubli loin des honneurs pervers

Modeste en son domaine il coulait en silence
Sans orgueil sans désirs méprisant l'opulence
Du torrent qu'on admire et qui plaît à nos yeux
Quand il va bondissant en flots impétueux
En semant la terreur dans son onde troublée
Heureux sont les mortels dont la gloire ignorée
Sommeille dans l'oubli à l'ombre des grandeurs
Dans un lieu solitaire on sèche mieux ses pleurs.

Sur les bords du ruisseau assis dans l'herbe humide
Un poète songeait sa figure timide
Avait l'air de candeur du tout petit enfant
Et ses yeux grands ouverts jetaient un feu troublant
Comme un désir qui grise et qu'entretient l'ivresse
Quand l'amour nous conduit aux bras d'une maîtresse
Sa lèvre semblait chaude encor d'un doux baiser
Et sans doute en ce lieu il venait pour pleurer
Dans le calme si doux de la forêt profonde
Pour mieux se recueillir il avait fui le monde.
Aux arbres endormis confiant ses malheurs
Il venait pour causer de ces instants trompeurs
Qui chantent le plaisir et sont couverts de joie
L'instant où l'on jouit est l'instant où la proie
Est plus facile à prendre et tente mieux l'oiseau
Qui la déchire aimant voir saigner le lambeau
Et la chair qu'il dépouille est plus appétissante
S'offrant mieux à sa faim quand elle est frémissante.
Il chanta ses douleurs ses peines et ses maux
Les plaintes des mortels sont comme des fléaux
Qui s'abattent cruels sur l'homme sans défense
Il semble à certains jours qu'on fût pour la souffrance
Destinés sans merci sans aucun jugement
L'homme naquît sans doute au sein du châtiment.

Puis comme un doux frisson le murmure de l'onde
Sema dans son coeur vide une douceur féconde
Il se sentit bercé par un souffle nouveau
Et le monde à ses yeux ne fût plus un bourreau.
Son coeur avait parlé à la source ignorée
L'onde avait répondu il était consolé
Dans ce tableau suprême un instant entrevu
L'amant de la nature est celui que j'ai vu
Au milieu de sa chambre en des larmes amères
Un amant regrettait les heures éphémères
Du temps heureux d'amour et de ses voluptés
Songes, rêves perdus, dans l'oubli, effacés
Il disait se peut-il que l'amitié suprême
Passe rapidement dans le coeur d'une femme
Se peut-il que l'amour ne vive qu'un matin
Et que l'âme se brise aux portes du Destin.
La vie était si douce au sein de la campagne
Et sur les bords du lac au pied de la montagne
Quand nous rêvions tous deux elle disait souvent
Sur la barque fragile allons au gré du vent.
L'homme a besoin d'aimer, les douceurs d'un beau rêve
Sont le consolateur quand le plaisir s'achève
Quand l'espérance meurt dans les coeurs le trépas
Creuse un vide effrayant qui ne se comble pas.
Le temps est un fantôme on le touche il s'efface
On l'implore il a fui sans laisser une trace
De son passage heureux, seul le temps des douleurs
Se grave dans les yeux au passage des pleurs.

Vois ces rochers muets vois ces ondes limpides
Quand nous les admirons les heures moins rapides
Semblent chanter encor dans la brise du soir
Notre coeur est fermé aux lois du désespoir
Vois ces tapis de mousse humides de rosée
Cet arbre reflétant son image adorée
Dans le miroir du lac. Vois la lune apparaît
Vois sa pâle lumière en un rayon discret
Vois la nature en fête et notre âme en délire
Ecoutons dans la nuit le roseau qui soupire
La chanson du berger qui veille dans les champs
La voix de la forêt où s'engouffrent les vents
A ce concert étrange où se berce la vie
Sachons pour de longs jours arrêter notre envie
Sur la vague plaintive aimons le temps s'enfuit
Le jour passe tu sais et bientôt dans la nuit
Le rêve va mourir et sur nos fronts moroses
Le chardon des douleurs va remplacer les roses
Dans cet homme attristé d'un bonheur disparu
Dans la mort du passé je me suis reconnu.
Sous un ciel azuré des bandes amoureuses
Promenaient lentement leurs cohortes rêveuses
Pèlerins de l'amour au temple du plaisir
Elles allaient chanter les stances du Désir
La douleur de leur voix et leur marche lascive
Avaient de ces flots bleus l'image fugitive
Quand leur folle caresse au sein des voluptés
Donne un baiser de rêve aux rivages domptés
Elles allaient chanter les crimes de Cythère
Goûter dans une orgie un plaisir de la terre.
Une heure que l'on croît un baiser de l'amour
Qui passe qu'on regrette et revit tour à tour
Une heure que l'on croît être l'heure suprême
Qui chante la douleur mais qu'on adore quand même.

La voile de l'esquif qu'enfle un tendre zéphyr
Est prête à s'envoler et semble déjà fuir
Tous les êtres sont là sur la barque fragile
Les amants enfiévrés dont le cerveau fébrile
Exhale la folie en désirs exaltés
Ont des yeux reflétant des regards enflammés
Ils sont grisés d'amour et d'étranges caresses
En des baisers brûlants dévorent leurs maîtresses
Le départ a sonné ils s'éloignent du port
Où vont ces détraqués peut-être vers la mort
Ils vont insouciants déjà loin du rivage
L'esquif est entraîné sous un ciel sans nuage
Ils voguent ces heureux vers un lieu incertain
Sur les flots argentés d'un souriant Destin
Tout semble souriant dans l'avenir qui s'ouvre
On ne sent pas le mal quand le Désir le couvre
Les arbres oscillants sous la brise légère
Chantent de ces mortels la gloire passagère
Les fleurs ont un parfum troublant mystérieux
Qui grise le cerveau et fait briller les yeux
Les ruisseaux des forêts et les sources profondes
De leurs flots enchantés semblent grossir les ondes
La Nature a changé et la marche du temps
Accélère son pas dans les chemins si grands.
Tout chante tout est gai. La voix de la nature
Pour cette heure d'amour en son faible murmure
Semble chanter aussi l'heure où l'on veut aimer
Que suit l'autre heure hélas celle qui fait pleurer.

Eh ! Qu'est-ce cette foule au fond de cette allée
Qui s'écoule en riant bruyante échevelée
Quel étrange spectacle admirable odieux
Des femmes des enfants, des jeunes et des vieux
C'est le peuple venu aux festins aux orgies
Pour consumer le feu des ses ignominies
C'est la folle jeunesse et les vieillards tremblants
Qui viennent s'amuser aux jeux des grands enfants
C'est le flot incertain la vague qui se brise
C'est le baiser perdu sur la lèvre incomprise
L'esquif qui les guidait a pour nom le Bonheur
Il cache dans ses flancs la trompeuse douleur
Dans un baiser troublant un étrange délire
Qui rôde autour de nous dans l'ombre du sourire
Il s'éloigne du port, quand arrive le soir
Un autre le remplace et c'est le Désespoir.

Ah ! Que vois-je sortir des maisons éclairées
Des êtres trébuchant et d'épaisses fumées
Leurs pas sont vacillants comme sont les roseaux
Que le vent, dans la nuit, incline sur les eaux
Horreur ! Des femmes nues des yeux au regard sombre
Des fantômes affreux qui se cachent dans l'ombre
Des hommes enivrés qui murmurent des mots
Des amantes pleurant de sinistres sanglots
Une longue cohorte où se vautre l'ivresse
Un souffle de dégoût un soupir de paresse
Un rivage jonché de cadavres tremblants
Un tableau de la mort et les cris déchirants
Des épaves d'amour de pâles figurantes
Des scènes qu'on vivait dans le temps des bacchantes
Une foule éperdue aux portes de la mort
Des mortels innocents des fautes de leur sort.

Quel lugubre tableau la vague rugissante
Ramasse tous les corps et sa bave méchante
Entraîne loin du port tous ces infortunés
Tous ces enfants du siècle à la mort condamnés
Et dans tout ce mélange indescriptible ouvrage
Etalant à nos yeux la plus sanglante page
Dans la nuit de l'amour. Un fantôme égayé
Sourit de voir le monde à la mort entraîné
Qui es-tu spectre affreux cynique personnage
Comment te nomme-t-on et quel est ton présage ?
Rions désabusés ! Car je l'ai reconnu
La Mort et les mortels voilà ce que j'ai vu !

Cette vision m'a été inspirée un soir de l'an dernier. Je l'ai traduite dans le
rythme imposé par la littérature. Elle explique tout à fait la vie telle que je
la vois à présent. Peut-être la critique la condamnerait-elle mais ceux qui ont
vécu ne changeront rien au fond du poème c'est la vérité en vision. Je n'ai pas
écrit cette poésie sous l'inspiration d'une lecture. C'est ce que j'ai vu un
soir en regardant dans la nuit c'est que voient les poètes quand les muses se
bercent dans l'ombre.

Honoré HARMAND



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J'adore les longs silences, je m'entends rêver...  
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