Impressions
A mes amis Mme RENARD ma famille PINSON, DUPRE et mon intime Justin en souvenir
de son passage au conseil de révision et de son dîner à cette occasion
28 avril 1906
La politesse exige une civilité
Aussi mes chers amis pardonnez la manie
Qui à propos d'un rien ou d'une quantité
Me fait dire aux bons coeurs que je les remercie
Je suis vraiment heureux de votre bon accueil
De votre empressement à me compter des vôtres
Aussi ai-je pensé demain sur mon recueil
Je veux se souvenir écrit auprès des autres
D'abord mes compliments une table d'autel
N'eut pas mieux exhibé ses atours symétriques
La vôtre ressemblait en ce jour solennel
A la réception des corps diplomatiques
Passons vite au dîner mais ne nous pressons pas
Disséquons chaque plat faisons en une étude
Jamais je n'avais vu un aussi bon repas
Il est vrai que chez moi je n'ai pas l'habitude
D'être reçu en prince en vicomte ou baron
Mais n'importe et soit dit sans mainte flatterie
A vous le premier prix de chic et de bon ton
Pour dresser une table en genre hôtellerie
Le potage était doux et je l'ai savouré
Le boeuf dans le persil entrée appétissante
Avait cet air confus que prend le condamné
Quand il compte un profit de justice indulgente
Puis c'est une faveur vrai nous sommes gâtés
Dans un plat, souriant la bouchée à la reine
Etale sa couleur à nos yeux épatés
Puis dans nos estomacs succombant à la peine
Elle va fourvoyer dans les profonds secrets
De notre corps heureux d'être ainsi de la fête
Pâté de champignons et hachis de poulets
Flottaient joyeusement dans la sauce blanquette
Puis c'est l'inoffensif et tranquille lapin
Qu'on offre en sacrifice en ce jour remarquable
Délicieux civet pauvre bête, sa fin
Fût un plaisir sans doute aux yeux du misérable
Qui la prit le matin et presque au saut du lit
Sans même lui donner un quart d'heure de grâce
L'exécuteur est dur et jamais ne fléchit
Devant la loi suprême au baiser qui nous glace
Mais ce n'est pas fini sans doute il est trop tôt
Il faut encor manger notre faim est calmée
Qu'importe et l'on attaque un morceau de gigot
Qui tenterait bien plus, une bouche affamée
Le dessert annoncé est des plus succulents
Les gâteaux pralinés, les cornets à la crème
Chacun selon ses goûts choisit ou les friands
Ou les babas au rhum ou bien celui qui l'aime
Ensuite le café suivi de la liqueur
Fine par excellence au grand nom de chartreuse
Mit un comble de joie au fond de notre coeur
Comme l'amour troublant qui grise l'amoureuse
Le jeu nous appelait il fallut l'écouter
Une partie eh puis encor une partie
Aucun de parlait plus d'aller se reposer
Le perdant imploré meilleure répartie
De la veine au baiser exultant de douceur
Tout le monde riait mais c'est la bourse vide
Que plus d'un décavé perdant tout fort l'honneur
S'en retournait chez lui un tant soit peu lucide
Ainsi voilà comment je veux me souvenir
De cette inoubliable et superbe soirée
Espérant l'an prochain une fois revenir
Fêter la révision tout comme en cette année
Chers amis relisez souvent ces quelques vers
Que j'écris simplement dans le style des fables
Et s'il est ici bas des jours par trop amers
Souvenez-vous aussi qu'il en est d'agréables.
Honoré HARMAND