Peut-être
Vers à ma Mie
2 mai 1915
Peut-être, ô ! le vilain mot qu'on prononce toujours.
Du Doute ami sacré ; dans les serments d'amour
Le maître.
Quand le bonheur sourit à nos nuits sans sommeil
Méprisons-nous l'orage au lever du soleil ?
Peut-être !
Quand le hasard a fait se rencontrer nos yeux ;
Vestale quand tu vins enflammer de tes feux
Mon être.
Un mot ouvrit ta lèvre et tu le dis tout bas :
M'aimes-tu, sois sincère, ou bien n'aimes-tu pas ?
Peut-être !
Quand nos deux corps vibrants ensemble ont frissonné
Des désirs que l'hymen, brutal, irraisonné
Fit naître.
L'instant d'après le mal nos sens inapaisés
Ont-ils senti combien ils s'étaient abusés ?
Peut-être !
Quand sonna l'heure affreuse et sombre des adieux
Je vis avec regret des larmes dans tes yeux
Paraître.
Je sentis que ton coeur maîtrisant sa déroute
Tremblait de voir l'Oubli me suivre sur la route
Peut-être !
Tu partis. Je m'en fus. Nos amours sont-ils vrais ?
Pour en être bien sûr, comme toi, je voudrais
Connaître
Davantage pourquoi nous nous aimâmes tant ?
S'il fut écrit pour nous ce mot plein de néant :
Peut-être !
Non, il ne se peut pas qu'il existât pour nous.
Rions de sa menace et fuyons son courroux
De traître.
Jurons de nous aimer comme les vrais amants
Et nos amours auront de nobles cheveux blancs.
Peut-être !
Honoré HARMAND