En causant à « La Mort »
Janvier 1938
Entre, la Mort, dans mon foyer,
Toi qui sait aussi bien choyer
L'enfance autant que la vieillesse.
Causons ensemble, si tu veux,
Et peut-être en comblant mes voeux
Tu me griseras d'allégresse.
Que te faut-il encor de plus ?
Quand j'étais jeune tu me plus.
J'invoquais ta froide caresse ;
Désabusé je t'écrivais
Mais jamais je ne recevais
Un mot de ma folle maîtresse.
Mon père tu pris récemment,
Semblant faire du sentiment
Dans la logique de la vie.
Mais tu commis tant d'injustices
Que le prix de tes sacrifices
En moi n'a fait naître l'envie.
De t'imiter dans tes erreurs
Toi, la déesse des frayeurs
Qui planent sur le coeur des hommes.
S'il en est un qui ne craint pas
Ton amer baiser de Judas
C'est moi parmi ceux que nous sommes.
Mais alors épargne les miens.
J'ai tressé de très forts liens
Pour retenir leur espérance.
Tu m'as compris ? Rentre chez toi.
Moi seul puis, sans aucun émoi
Te parler, vieille connaissance.
Honoré HARMAND