Le train qui part
1er juin 1948
Je n'aime pas le train qui part
Parce qu'il dresse un rempart
Entre les amitiés si chères.
Un sublime adieu de la main
C'est un plaisir sans lendemain
Quand se referment les portières.
Glissant sur le ruban d'acier
C'est notre bonheur tout entier
Qu'il emporte dans le mystère ;
Et le doute de se revoir
Dont le démon au masque noir
Tisse la trame journalière.
Il fuit vers un but assigné
Par le voyageur résigné
Le but où s'estompe la joie
Et la lourde masse de fer
Cherche entre le ciel et l'enfer
Quelle est vraiment la bonne voie.
Je n'aime pas le train qui part
Car, chaque fois j'ai le cafard
Quand je quitte tous ceux que j'aime.
Le profane ne peut savoir
Quand il disparaît dans le noir
Ce qu'il emporte de moi-même.
Honoré HARMAND