L'Amérique
I
Quand, dans ses haltes indécises,
Le genre humain, tout effaré,
Ébranlait les vastes assises
Du monde mal équilibré;
Étouffant les vieilles doctrines,
Quand le ferment des jours nouveaux
Montait dans toutes les poitrines,
Et germait dans tous les cerveaux;
Quand l'homme, clignant la paupière
Devant chaque rayon qui luit,
De son crâne frappait la pierre
Qui toujours retombait sur lui;
Quand le siècle, dans son délire,
Passant la main sur son front nu,
Désespéré, tâchait de lire
Le problème de l'inconnu;
Quand, sentant sa décrépitude,
Enfin, l'univers aux abois
De l'éternelle servitude
Songeait à secouer le poids;
Sous ta baguette qui féconde,
Colomb, puissant magicien,
Tu fis surgir le nouveau monde
Pour rajeunir le monde ancien.
Oui, l'humanité vers l'abîme
Marchait dans l'ombre en chancelant,
Lorsque, de ton geste sublime,
Tu l'arrêtas dans son élan.
Tu lui montrais, comme Moïse,
Au bout de ton doigt souverain,
La moderne terre promise:
Un univers vierge et serein!
Hémisphère aux rives sauvages,
Étalant, comme l'Hélicon,
Libre des antiques servages,
Sous l'oeil des cieux son flanc fécond.
Oui, toute une moitié du globe
Dénouant, spectacle inouï,
Les plis flamboyants de sa robe
Aux yeux du vieux monde ébloui!
Quel moment! quelle phase immense!
Ce pas, marqué par Jéhova,
C'est tout un passé qui s'en va,
Tout un avenir qui commence!