L'Iroquoise du lac Saint-Pierres
Légende
I
Il fait nuit : tout s'endort dans les forêts sauvages;
Le Saint-Laurent, ouvrant l'orbe de ses rivages,
En une immense nappe épanche son flot pur;
L'onde déroule au loin sa vague transparente
Et les rives du lac d'une écharpe odorante
Semblent ceindre un miroir d'azur.
La légende qu'on va lire n'a pas le mérite de la réalité, ce n'est qu'une
simple historiette d'imagination, où l'auteur a essayé de personnifier, pour ainsi
dire, le caractère des peuplades sauvages qui furent les premiers habitants de notre
pays.
Le fait n'est fondé que sur la croyance où sont les habitants des environs du
lac Saint-Pierre, que, dans les belles nuits d'été, on voit une petite lumière qui
semble flotter sur le miroir du lac.
Les vieux narrateurs de l'endroit ne manquent pas de raconter à ce sujet
plusieurs histoires merveilleuses, d'une authenticité équivoque, puisqu'elles sont,
pour la plupart, contradictoires. L'auteur a voulu se servir de cette croyance pour
grouper en un seul drame plusieurs actes de barbarie inspirés par la vengeance des
Peaux-Rouges; par exemple, les traditions du pays racontent un grand nombre
d'histoires de jeunes enfants dérobés par les sauvages et dont on n'a jamais
entendu parler depuis.
On lui reprochera peut-être d'avoir mêlé trop d'horreur à son récit; mais, si
l'on se rappelle le caractère féroce de la nation iroquoise, les supplices
épouvantables qu'ils faisaient souffrir à leurs prisonniers et le motif de vengeance
qui fait agir le personnage qu'il met en scène, on avouera qu'il n'a pas dépassé les
limites du vraisemblable. [Note de Louis Fréchette]
Le roseau chante au vent sa plaintive romance;
La lune, comme un phare, au front du ciel immense,
S'élevant par degrés sur l'aile de la nuit,
Découpe des grands pins les ramures étranges
Dont l'ombre se dessine en gigantesques franges
Ondulant sur le flot qui fuit.
L'oiseau de nuit, quittant sa pose taciturne,
S'envole en tournoyant et sa clameur nocture
Se perd dans la forêt avec le bruit du vent;
La brise rit encore au feuillage du tremble;
Le ciel sourit à l'onde et chaque étoile tremble
Dans chaque vague au pli mouvant.