Sonnets
I. Mon insomnie a vu naître les clartés grises
Mon insomnie a vu naître les clartés grises.
Le vent contre ma vitre, où cette aurore luit,
Souffle les flèches d'eau d'un orage qui fuit.
Un glas encore sanglotte aux lointaines églises...
La nue est envolée, et le vent, et le bruit.
L'astre commence à poindre, et ce sont des surprises
De rayons; les moineaux alignés sur les frises,
Descendent dans la rue où flotte un peu de nuit...
Ils se sont tus, les glas qui jetaient tout à l'heure
Le grand pleur de l'airain jusque sur ma demeure.
Ô soleil, maintenant tu ris au trépassé!
Soudain, ma pensée entre aux dormants cimetières,
Et j'ai la vision, douce à mon coeur lassé,
De leurs gîtes fleuris aux croix hospitalières...
II. Est-il une âme triste et lasse de la vie
Est-il une âme triste et lasse de la vie,
- Ô les soucis trop lourds à notre humanité -
Qui ne se sente pas pour un moment ravie
Par cette nuit si belle en sa sérénité!
À perte de regard je suis avec envie
Un grand oiseau montant dans l'espace enchanté
Devers la blanche voie, et par tant d'yeux suivie.
Qui traverse le ciel de sa pâle clarté...
Pour cette heure d'oubli, douce comme une trève,
Pour cet apaisement de l'âme qui se lève
Comme l'oiseau muet attiré dans l'azur;
Pour cette nuit brillante au triple diadème,
Dont chaque étoile semble un diamant plus pur,
O Dieu bon, je vous aime.