POUR UN BALLET
Nous sommes fils de la bouteille,
Sur qui la mort n'a point de droit,
À qui la terre manqueroit,
Plutost que le ius de la treille,
À qui cette aymable liqueur,
Conserue l'entiere vigueur.
De la force et de la jeunesse,
Dont les esprits indifferents,
Loin des pieges de la vieillesse,
Ont fait la nique aux cheueux blancs.
Pleins de douceur et de loisir,
Sans mal et sans inquietude,
Nous goustons auecques plaisir,
Ce qu'on nomme beatitude,
Iamais les embusches du sort,
Ne nous ont reduit sous l'effort,
Du mal-heur que predit la crainte,
Tant qu'en yvrés de ces bons vins,
Nous combattons à coups de pinte,
La malice de nos destins.
Auec cette aymable peinture,
À qui l'amour doit des autels,
Nous faisons la nique aux mortels,
Et brauons toute la nature,
Bacchus se plaist auecques nous,
Et bien que l'autre en soit jaloux;
Nous cherissons sa compagnie,
Ce goinfre n'a point de deffaut,
C'est un dieu sans ceremonie,
Et c'est ainsi qu'il nous le faut.
Ce n'est pas, ô dames sucrées
Que charmés de vos doux appas,
Nous ne supportions de trespas,
Autant que vous estes d'Astrées;
Mais ne pensés pas que dans l'eau,
Nous aillions chercher un tombeau,
Ainsi que Celadon peu sage,
Nous ne mourrons jamais pour vous,
Que dans un muy de ce breuuage,
Où dans un tonneau de vin doux.