ACTE 2 SCENE 1
La toile se lève. On voit une chapelle, un autel
sur le côté, un péristile dans l'enfoncement.
Euphémie, Mélanie, toutes deux prosternées,
l'une en face de l'autel, et l'autre à un des
côtés.
Mélanie.
Ô toi dont les bienfaits annoncent la grandeur,
Qui de la grace en nous conduis le trait vainqueur,
Ô mon dieu, prends pitié des erreurs d'une amie,
Entends mes voeux, descends dans le sein d'Euphémie;
Substitue aux transports d'un aveugle penchant,
Le feu pur de ta foi, ton amour si touchant;
Seigneur, contre les sens viens lui donner des armes;
Pourrois-tu rejeter nos prières, nos larmes?
Hélas! Son coeur est fait pour connoître ta loi,
Pour t'aimer, t'adorer, pour se remplir de toi.
Tu vois son désespoir, ô dieu puissant, achève,
Achève, et qu'elle cède au remords qui s'élève...
Euphémie.
De la triste infortune asyle protecteur,
Autel d'un dieu clément, d'un dieu consolateur,
Seul appui dans mes maux...
Elle embrasse avec transport le coin de l'autel.
que ma faiblesse embrasse,
D'un fardeau de douleurs impatiente et lasse,
Mon ame, en gémissant, vient répandre à vos piés
Ses ennuis ses remords dans les larmes noyés;
Elle se tourne vers Mélanie.
J'ai voulu les cacher aux regards de ma mère.
Et ces pleurs dont, grand dieu, la source encor m'est chère.
Retenus trop long-tems demandent à couler...
Mes soupirs étouffés brûlent de s'exhaler;
Cette coupable ardeur malgré moi me dévore;
C'est un fantôme vain que j'aime, que j'adore,
Qui sans espoir excite un sacrilège feu,
Qui dans mon coeur domine à la place d'un dieu,
Sinval, toujours vainqueur, s'élève de la terre,
Pour combattre le ciel, et me livrer la guerre,
L'amour a dans mon sein enfoncé tous ses traits;
Une affreuse tempête y gronde pour jamais!
Je ne puis décider quels sentimens m'inspirent;
Deux ames tour à tour m'emportent, me déchirent;
Ô ma religion la plus faible est pour toi!
Il faut pourtant, il faut que tu règnes sur moi;
Tout m'en fait un devoir, le ciel, l'honneur lui-même,
Tout, Sinval, me condamne et défend que je t'aime;
L'épouse d'un mortel lui doit sa foi, son coeur;
Et l'épouse d'un dieu ciel! Je me fais horreur...
Elle regarde du côté du péristile.
Son ministre à mes yeux ne s'offre point encore!
Elle se prosterne plus profondément.
Ô mon dieu que j'offense, ô mon dieu que j'implore;
Tu m'as rendu ma mère; ah! Comble tes bienfaits,
Ou que dans mon cercueil je trouve enfin la paix!
Ce repos, où mes voeux n'oseroient plus prétendre,
Le refuseras-tu, Dieu vengeur, à ma cendre?
Elle aperçoit sa mère; à part et avec surprise.
Ma mère!