Doux poètes, chantez! Dans vos nids, sous la feuille,
Même au déclin des ans,
1cr février 1855.
L'aube vous rit; soyez les seuls dont l'amour veuille
Dorer les cheveux blancs!
Le poète est un chant qui vole à nos oreilles;
Il vit dans un rayon;
Enfant, il est Platon baisé par les abeilles,
Et, vieux, Anacréon.
Ô poètes! vivez, aimez, battez de l'aile,
Radieux et cachés!
' Le bonheur vous convie à sa fête éternelle!
Mais si vous approchez
Des révolutions énormes et sévères,
Fier chaos, gouffre obscur
Où les sommets ont tous des formes de calvaires,
Renoncez à l'azur!
Renoncez à l'amour, renoncez à la fête!
Faites-vous de grands coeurs
Qui, dans plus de souffrance et dans plus de tempête,
Se sentent plus vainqueurs.
Le genre humain, depuis six mille ans à la chaîne,
Levant soudain le front,
S'est enfin révolté contre la vieille peine,
Contre le vieil affront;
Il faut être puissant et grave quand on entre
Dans ces rébellions.
Soyez oiseaux; alors ne volez pas dans l'antre;
Ou devenez lions.
18 avril 1854.