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 Jean Auvray(1590-1633) LE NEZ

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MessageSujet: Jean Auvray(1590-1633) LE NEZ   Jean Auvray(1590-1633) LE NEZ Icon_minitimeDim 8 Jan - 21:55

LE NEZ

Il n' est pas tousjours veritable
Que chacun ayme son semblable,
Puis qu' on void d' un contraire sort
La plus camarde de la ruë
Estre amoureuse devenuë
D' un grand nez à double ressort.


Mais vous n' entendez pas la ruse,
Par ce grand nez ceste camuse
Conserve en tout temps sa beauté:
L' hyver au feu ce nez de balle
Luy sert d' escran contre le hasle
Et de parassol en esté.
Je ne tiendray plus pour merveille
La pyramide nompareille
Qui jadis ombrageoit Memphis,
Puis que ce nez à triple estage
À midy mettroit à l' ombrage
Six rangs de picquiers dix à dix.
Ce grand nez sert en mainte sorte,
De verroüil à fermer la porte,
De bourdon pour un pelerin,
De javelot, de hallebarde,
De pilon à broyer moustarde,
Et de claquet pour un moulin.
Il sert aux massons de truelle,
D' un éventail à damoiselle,
De besche pour les jardiniers,
De soc pour labourer la terre,
D' une trompette pour la guerre,
Et d' astrolabe aux mariniers.


Ce nez en dos-d' asne se cambre
Comme l' ansse d' un pot de chambre,
Puis s' évasant en coquemart:
Son gros bout, plat comme une gâche,
Se rend propre à faire un rondache
Ou l' escusson d' un jaquemart.
Mais pour quoy petite camarde
Aymes-tu ce nez de bombarde?
Tes amours sont desordonnez,
Pensois-tu lascive saffrette
Que le membre de sa brayette
Fut à proportion du nez?
Tu ne sçavois donc pas follastre
Que nature voulant (marastre)
Dessus ce corps prodigieux
Se joüer en ses artifices:
Luy fit le nez entre les cuisses
Et le priape entre les yeux?
Mais ce qui est le plus difforme
C' est que sous ce grand nez énorme
S' ouvrent deux grands trous caverneux
Qui luy broyent plus de peinture
Que le cu, peintre de nature,
Sur l' anneau d' un retraict breneux.


Qui void ses narines soufflantes,
Escumeuses, larges, ronflantes,
Peut bien juger que ce paillard,
Eust jadis un roussin pour pere,
Où que sa ribaude de mere
L' engendra du cheval Bayard.
Aussi un jour ce gros yvrongne,
Ronfloit d' une bachique trongne
Si fort dessus son traversain,
Que sur les murs les eschauguettes,
Pensant oüir quelques trompettes,
En firent sonner le toxain.
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Jean Auvray(1590-1633) LE NEZ
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