LE VIEUX CELIBATAIRE
Allons, Babet, il est bientôt dix heures;
Pour un goutteux c'est l'instant du repos.
Depuis un an qu'avec moi tu demeures,
Jamais, je crois, je ne fus si dispos.
À mon coucher ton aimable présence
Pour ton bonheur ne sera pas sans fruit.
Allons, Babet, un peu de complaisance,
Un lait de poule et mon bonnet de nuit.
Petite bonne, agaçante et jolie,
D'un vieux garçon doit être le soutien.
Jadis ton maître a fait mainte folie
Pour des minois moins friands que le tien.
Je veux demain, bravant la médisance,
Au cadran bleu te régaler sans bruit.
Allons, Babet, un peu de complaisance,
N'expose plus à des travaux pénibles
Cette main douce et ce teint des plus frais;
Auprès de moi coule des jours paisibles;
Que mille atours relèvent tes attraits.
L'amour par eux m'a rendu sa puissance:
Ne vois-tu pas son flambeau qui me luit?
Allons, Babet, un peu de complaisance,
À mes desirs, quoi! Babet se refuse!
Mademoiselle, auriez-vous un amant?
De mon neveu le jockey vous amuse;
Mais songez-y: je fais mon testament.
Docile enfin, livre sans résistance
À mes baisers ce sein qui m'a séduit.
Allons, Babet, un peu de complaisance,
Ah! Tu te rends, tu cèdes à ma flamme!
Mais la nature, hélas! Trahit mon coeur.
Ne pleure point; va, tu seras ma femme,
Malgré mon âge et le public moqueur.
Fais donc si bien que ta douce influence
Rende à mes sens la chaleur qui me fuit.
Allons, Babet, un peu de complaisance,