LA CENSURE
Chanson qui courut manuscrite au mois d'août 1814.
Que, sous le joug des libraires,
On livre encor nos auteurs
Aux censeurs, aux inspecteurs,
Rats-de-cave littéraires;
Riez-en avec moi.
Ah! Pour rire
Et pour tout dire,
Il n'est besoin, ma foi,
D'un privilège du roi!
L'état ayant plus d'un membre
Que la presse eût fait trembler,
Qu'on ait craint son franc parler
Dans la chambre et l'antichambre;
Riez-en avec moi.
Ah! Pour rire
Et pour tout dire,
Il n'est besoin, ma foi,
D'un privilège du roi!
Que cette chambre sensée
Laisse avec soumission
Sortir la procession
Et renfermer la pensée;
Riez-en avec moi.
Ah! Pour rire
Et pour tout dire,
Il n'est besoin, ma foi,
D'un privilège du roi.
Qu'un censeur bien tyrannique
De l'esprit soit le geôlier,
Et qu'avec son prisonnier
Jamais il ne communique;
Riez-en avec moi.
Ah! Pour rire
Et pour tout dire,
Il n'est besoin, ma foi,
D'un privilège du roi!
Quand déja l'on n'y voit guère,
Quand on a peine à marcher,
En feignant de la moucher,
Qu'on éteigne la lumière;
Riez-en avec moi.
Ah! Pour rire
Et pour tout dire,
Il n'est besoin, ma foi,
D'un privilège du roi!
Qu'un ministre qui s'irrite
Quand on lui fait la leçon
Lise tout bas ma chanson,
Qui lui parvient manuscrite;
Riez-en avec moi.
Ah! Pour rire
Et pour tout dire,
Il n'est besoin, ma foi,
D'un privilège du roi!