LES CHAMPS
Rose, partons; voici l'aurore:
Quitte ces oreillers si doux.
Entends-tu la cloche sonore
Marquer l'heure du rendez-vous?
Cherchons loin du bruit de la ville,
Pour le bonheur un sûr asile.
Viens aux champs couler d'heureux jours;
Les champs ont aussi leurs amours.
Viens aux champs fouler la verdure,
Donne le bras à ton amant;
Rapprochons-nous de la nature
Pour nous aimer plus tendrement.
Des oiseaux la troupe éveillée
Nous appelle sous la feuillée.
Viens aux champs couler d'heureux jours;
Nous prendrons les goûts du village;
Le jour naissant t'éveillera:
Le jour mourant sous le feuillage
À notre couche nous rendra.
Puisses-tu, maîtresse adorée,te plaindre encor de sa durée!
Viens aux champs couler d'heureux jours;
Quand l'été vers un sol fertile
Conduit des moissonneurs nombreux;
Quand, près d'eux, la glaneuse agile
Cherche l'épi du malheureux;
Combien, sur les gerbes nouvelles,
De baisers pris aux pastourelles!
Viens aux champs couler d'heureux jours;
Quand des corbeilles de l'automne
S'épanche à flots un doux nectar,
Près de la cuve qui bouillonne
On voit s'égayer le vieillard;
Et cet oracle du village
Chante les amours d'un autre âge.
Viens aux champs couler d'heureux jours;
Allons visiter des rivages
Que tu croiras des bords lointains.
Je verrai, sous d'épais ombrages,
Tes pas devenir incertains.
Le desir cherche un lit de mousse;
Le monde est loin, l'herbe est si douce!
Viens aux champs couler d'heureux jours;
C'en est fait! Adieu, vains spectacles!
Adieu, Paris, où je me plus;
Où les beaux-arts font des miracles,
Où la tendresse n'en fait plus!
Rose, dérobons à l'envie
Le doux secret de notre vie.
Viens aux champs couler d'heureux jours;