Désespoir
À Giulio Piccini, maestro.
Toujours un vent de feu sous son haleine active,
Prend plaisir à courber mon âme convulsive.
Insomnie, Théop. DONDEY.
Comme une louve ayant fait chasse vaine,
Grinçant les dents, s'en va par le chemin;
Je vais, hagard, tout chargé de ma peine,
Seul avec moi, nulle main dans ma main;
Pas une voix qui me dise: A demain.
Pourtant bout en mon sein la sève de la vie;
Femmes! mon pauvre coeur est pourtant bien aimant,
J'ai vingt ans, je suis beau, je devrais faire envie,
J'aurais dû plaire au moins, moi, si courtois amant;
Toutes m'ont repoussé... Fatal isolement!
Ce long tourment me ronge et me déchire,
M'abîme entier! Que le sort m'est cruel!
Même aujourd'hui, riant de mon délire,
Pour retremper mon âme dans le fiel,
Il m'a fait voir un jeune ange du ciel.
Ah! quel air ravissant, quelle voix langoureuse!
Sur ses pas gracieux j'aspirais le bonheur.
Je baisais son manteau d'une bouche amoureuse;
Puis, ivre du parfum que jetait cette fleur,
Je sentais lentement s'épanouir mon coeur.
Que cet instant fut court! hélas! qu'horrible
Fut mon réveil! je la cherchais en vain
De mon regard dévorant et terrible,
Elle avait fui... Rends-la moi, ciel d'airain!
Jette à mon coeur cette proie... il a faim!...
Mon dépit, ma fureur bouleversent mon âme;
A mes désirs lascifs je voudrais tout plier:
Égaré par mes sens, j'irais... ah! c'est infâme!
Arracher une femme au bras d'un cavalier,
J'arracherais!... mais, non, je ne puis m'oublier!
Désirs poignants, silence! il faut vous taire.
De feux en vain je me sens embrasé,
Allons gémir sur mon lit solitaire;
Baigné de pleurs mon corps est épuisé:
A ce combat tout mon coeur s'est brisé!
Ma jeunesse me pèse et devient importune!
Ah! que n'ai-je du moins le calme d'un vieillard.
Qu'ai-je à faire ici-bas?... traîner dans l'infortune;
Lâche, rompons nos fers!... ou plus tôt ou plus tard.
- Mes pistolets sont là... déjouons le hasard!!!