II
Mais tu parus soudain, fier et noble poète!
De la muse héroïque embouchant la trompette,
Tu te mis à chanter les exploits merveilleux
Accomplis sur nos bords par la Gaule immortelle,
Tu te mis à chanter, les yeux tournés vers elle,
Tout ce monde de gloire où vivaient nos aïeux.
Tu dis, tout enflammé, les combats de nos braves
En des chants à la fois éclatants et suaves,
Et dont toujours les coeurs seront fanatisés;
Tu dis les dévoûments de ce groupe homérique
Qui cent ans défendit, sur le sol d'Amérique,
La tant vieille bannière aux plis fleurdelisés.
Tu dis avec douleur la douleur des ancêtres
Épuisés par la faim et vendus par des traîtres,
Et ta voix tressaillit d'un indicible émoi,
Quand tu nous rappelas qu'à la cour de Versailles
Un des fiers survivants de nos fières batailles
Avait en vain tenté de parler à son roi.
Tout un peuple s'émut à ta voix souveraine,
Et nul barde, après toi, dans la brillante arène
Que la gloire guerrière emplit de son rayon,
Ne fera retentir d'un éclat plus sonore
Ces grands noms dont chacun de nos foyers s'honore:
Sainte-Foye et Lévis, Montcalm et Carillon.
Bien souvent tu vantas cette indomptable race
Dont sont sortis les preux dont nous baisons la trace;
Tu la vantas avec ton génie et ton coeur,
Et tu nous la fis voir éblouissant le monde,
Débordante de foi, valeureuse et féconde,
Comme aux temps de Bayard sans reproche et sans peur.
Déposant le clairon pour caresser la lyre,
Tu louas, emporté par un divin délire
Sur la cime où le vol de l'aigle n'atteint pas,
Napoléon grisé du vin de la victoire,
Et paraissant trouver trop étroit pour sa gloire
L'ancien monde effaré qui tremblait sous ses pas.
Tu célébras aussi cette invincible armée
Qui rougit de son sang les neiges de Crimée.
Tu chantas ardemment les hauts faits des héros
Qui, sous les trois couleurs, - ô sublime folie! -
En voulant secourir la jalouse Italie,
Tombaient comme Roland au champ de Roncevaux.