IV
Mais, hélas! le destin qui poursuit le génie,
Qui fait payer si cher au barde l'harmonie
Que son luth fait pleuvoir sur le monde enchanté,
Te refusait toujours la paix que l'or assure,
Et tu souffris longtemps, dans ta retraite obscure,
Les torturants ennuis de la nécessité.
Pendant que tu disais les travaux des ancêtres,
Marins et laboureurs, trappeurs, soldats et prêtres,
Pendant que tu chantais ces immortels héros,
Pour toi se préparait la plus terrible épreuve...
Et tu partis, un soir, tu quittas le grand fleuve
Qui tant de fois t'avait balancé sur ses flots.
Tu disparus alors comme un astre se couche,
Et le vent de l'exil, glacial et farouche,
Emporta ton esquif bien loin des tiens en pleurs.
Ton départ ténébreux attrista nos rivages,
Et seize ans tu subis le plus dur des servages,
Ton coeur aimant saigna de toutes les douleurs.
La mort seule devait sonner ta délivrance.
Et maintenant, au bord de l'Océan immense,
Tu dors en paix, bercé par le flot solennel
Qui te chante toujours son hymne de souffrance,
Tu dors enseveli sous la terre de France
Comme l'enfant caché dans le sein maternel.
Là nul ne t'ira plus abreuver d'amertume,
Et ton nom, si longtemps enveloppé de brume,
Par l'ombre de l'exil si longtemps obscurci,
Brille au-dessus d'un gouffre où bave encor la haine,
Comme l'arc-en-ciel luit, dans sa splendeur sereine,
Sur l'abîme écumeux du vieux Montmorency.