FRAGMENT III. -CHANT II.
Ridés, le front blanchi, dans notre tête antique
S'éteindra cette flamme ardente et poétique
Qui, féconde et rapide en un jeune cerveau,
Y peint de l'univers un mobile tableau;
Et par qui tout à coup le poète indomptable
Sort, quitte ses amis, et les jeux, et la table;
S'enferme, et sous le Dieu qui le vient oppresser,
Seul, chez lui, s'interroge, et s'écoute penser.
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Ainsi, dans les sentiers d’une forêt naissante,
A grands cris élancée, une meute pressante,
Aux vestiges connus dans les zephyrs errants,
D’un agile chevreuil suit les pas odorants.
L'animal, pour tromper leur course suspendue,
Bondit, s'écarte, fuit, et la trace est perdue.
Furieux, de ses pas cachés dans ces déserts
Leur narine inquiète interroge les airs,
Par qui bientôt frappés de sa trace nouvelle,
Ils volent à grands cris sur sa route fidèle.
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Comme on feint qu'au printemps, d'amoureux aiguillons
La cavale agitée erre dans les vallons,
Et, n'ayant d'autre époux que l'air qu'elle respire,
Devient épouse et mère au souffle du zéphyre.
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La vie humaine errante, et vile, et méprisée,
Sous la religion gémissait écrasée.
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De son horrible aspect menaçait les humains.
Un Grec fut le premier dont l'audace affermie
Leva des yeux mortels sur l'idole ennemie.
Rien ne put l'étonner. Et ces Dieux tout-puissants,
Cet Olympe, ces feux, et ces bruits menaçants
Irritaient son courage à rompre la barrière
Où, sous d'épais remparts obscure et prisonnière,
La nature en silence étouffait sa clarté.
Ivre d'un feu vainqueur, son génie indompté,
Loin des murs enflammés qui enferment le monde,
Perça tous les sentiers de cette nuit profonde,
Et de l'immensité parcourut les déserts.
Il nous dit quelles lois gouvernent l'univers,
Ce qui vit, ce qui meurt, et ce qui ne peut être.
La religion tombe et nous sommes sans maître;
Sous nos pieds à son tour elle expire; et les cieux
Ne feront plus courber nos fronts victorieux.
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Et quand sa faim vorace au pied d'un chêne antique
Avait su du vil gland tombé de ses rameaux
Disputer la pâture aux plus vils animaux,
Un besoin plus terrible, une faim plus brûlante
Livrait à ses efforts une esclave tremblante
Qui bientôt de ses bras chassée avec horreur
Allait d'un nouveau maître assouvir la fureur.
Mais sitôt que Cérès par des lois salutaires
Des humains réunis fit un peuple de frères,
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Une foi mutuelle unit les hyménées.