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 Paul Claudel. (1868-1955) Portes.

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Paul Claudel. (1868-1955) Portes. Empty
MessageSujet: Paul Claudel. (1868-1955) Portes.   Paul Claudel. (1868-1955) Portes. Icon_minitimeLun 18 Juin - 21:41

Portes.

Toute porte carrée ouvre moins que ne clôt le vantail qui l’implique.

Plusieurs, d’un pas occulte, ont gagné le solitaire Yamen et cette cour
qu’emplit un grand silence; mais si, ayant gravi les degrés, au moment que leur
main suspend un coup sur le tambour offert au visiteur ayant perçu comme une
voix assombrie par la distance leur nom (car l’épouse ou le fils de toutes ses
forces crie dans l’oreille gauche du mort), ils vainquent une fatale langueur
jusqu’à s’éloigner d’un et deux pas des battants que disjoint la désirable
fissure, l’âme retrouve son corps; mais nulle mélodie d’un nom ne ramènera celui
qui au travers du seuil sourd a fait le pas irréparable. Et tel est sans doute
le lieu que j’habite, alors que, posé sur la dalle plate où cette sombre mare me
contient dans son cadre baroque, je goûte l’oubli et le secret du taciturne
jardin.

Un ancien souvenir n’a pas plus de détours et de plus étranges passages que le
chemin qui, par une suite de cours, de grottes et de corridors, m’a emmené où je
suis. L’art de ce lieu restreint est de me dérober, en m’égarant, ses limites.
Des murs onduleux qui montent et qui descendent le divisent en compartiments,
et, tandis que des cimes d’arbres et des toits de pavillons qu’ils laissent voir
ils semblent inviter l’hôte à pénétrer leur secret, renouvelant sous ses pas la
surprise avec la déception, ils l’amènent plus loin. Qu’un sage nain, avec son
crâne pareil à une panse de gourde ou qu’un couple de cigognes en surmonte le
sommet ouvragé, le calice du toit n’ombrage point une salle si déserte qu’un
bâton d’encens à demi consumé n’y fume ou qu’une fleur oubliée ne s’y décolore.
La Princesse, le Vieillard vient à peine de se lever de ce siège, et l’air vert
cèle encore le froissement de l’illustre soie.

Fabuleuse, certes, est mon habitation! Je vois dans ces murs, dont les faîtes
ajourés semblent se dissiper, des bancs de nuages, et ces fantasques fenêtres
sont des feuillages confusément aperçus par des échappées; le vent, laissant de
chaque côté des languettes dont le bout se recourbe, tailla dans la brume ces
brèches irrégulières. Que je ne cueille point la fleur de l’après-midi à un
autre jardin qu’où m’introduit une porte qui a la forme d’un vase, ou d’une
feuille, ou d’une gueule par la fumée, ou du soleil qui se couche alors que son
disque atteint la ligne de l’eau, et de la lune qui se lève.


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Paul Claudel. (1868-1955) Portes.
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