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 Guillaume Colletet (1598-1659) Le retour de Cloris. Bergerie.

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Inaya
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Inaya


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Guillaume Colletet (1598-1659) Le retour de Cloris.  Bergerie. Empty
MessageSujet: Guillaume Colletet (1598-1659) Le retour de Cloris. Bergerie.   Guillaume Colletet (1598-1659) Le retour de Cloris.  Bergerie. Icon_minitimeSam 23 Juin - 15:42

Le retour de Cloris.

Bergerie.

Le ciel n' est plus contraire à mes justes souhaits,
Il exauce à la fin tous les voeux que j' ay faits ;
Cloris est revenuë, et la voyant si belle,
Je voy tous mes plaisirs revenus avec elle.
Autant que la rosée est agreable aux fleurs,
Et qu' un zephyre est doux dans les aspres chaleurs,
Autant, mon cher soucy, ton regard me contente,
Et je suis bien payé d' une si longue attente.
Loin de toy je trainois mes beaux jours en langueur,
Mon ame estoit sans force, et mon corps sans vigueur ;
Une heure me sembloit une longue journée,
Et le jour le plus court me duroit une année.

Le plus beau lieu m' estoit un sejour sans appas,
Et la plus douce vie un funeste trespas.
Aussi soit que la nuit dans un nuage sombre
Ensevelist les corps, et ne laissast que l' ombre ;
Soit que l' astre du jour dans l' éclat de ses rais
Fist un bocage d' or de ces vertes forests,
La lune et le soleil me rencontroient sans cesse,
Les yeux chargez de pleurs, le coeur plein de tristesse
Mais je n' estois pas seul qui me plaignois ainsi,
Echo ne resonnoit que mes plaintes aussi.
Ce liquide crystal où se mirent ces plaines,
D' un bruit entrecoupé murmuroit de mes peines.
Ces pins ne s' élevoient jusques au firmament,
Que pour luy reprocher l' excés de mon tourment ;
Ce rossignol touché d' un si cruel outrage,
En un cry de corbeau changeoit son doux ramage ;
Damon ne trouvoit plus dans ces deserts fleuris
Dequoy parer le sein de sa chere Doris ;
Mes brebis languissoient, et toutes desolées,
Estonnoient de leurs cris ces monts et ces vallées ;
Lors comme elles sensible aux traits de la pitié,
Leur douleur augmentoit la mienne de moitié.
Mais maintenant, Cloris, qu' un astre favorable
Me rend autant heureux que j' estois miserable,
Que je suis esclairé des flâmes de tes yeux,
Je voy rire la terre aussi bien que les cieux ;
Echo ne gronde plus dans ces roches desertes,
Ces eaux roulent sans bruit dans ces campagnes vertes ;
Zephyre donne une ame aux feüilles de ces bois,
Et pour dire ta gloire en fait autant de vois ;
Philomele a quitté sa plainte continuë,
Et de ses gays accens chante ta bien venuë.

Ces fruits qui jaunissoient dans ce commun malheur,
Deviennent rouges d' aise, et n' ont plus de pâleur ;
Ces jardins ont repris leur aimable peinture,
Et c' est pour toy que l' art y farde la nature ;
Ces fleurs prennent plaisir à naistre sous tes pas,
Et leur suc est confit avecque tant d' appas,
Que mes brebis n' ont plus d' autre soin que de paistre,
Et d' égaler leur joye à celle de leur maistre.
Mais où m' emporte l' air de tant de vains discours ?
Inviolable objet de mes cheres amours,
Au lieu de te flatter, je crains de te déplaire,
Quand le coeur est content, la bouche se doit taire ;
Laissons cajoller ceux qui sçavent l' art d' aimer,
Et goustons des plaisirs qu' on ne peut exprimer.
Approche-toy, Cloris, souffre que je te baise,
Jette une goutte d' eau dans l' ardeur de ma braise ;
Si tu m' as fait mourir dans un éloignement,
Fay-moy ressusciter dans un embrassement ;
Quitte cette pudeur dont l' excés te surmonte,
Laisse faire à l' amour, il efface la honte,
Il sçait calmer ce trouble, et ces émotions,
Il confond ce qui nuit aux belles passions,
Et nous faisant gouster ses délices supresmes,
Il nous rend comme luy des divinitez mesmes.
Parmy tant de douceurs coulons nostre printemps,
Nous serons bienheureux quand nous serons contens ;
Commençons de bonne heure à suivre Cytherée,
Nos plaisirs en seront de plus longue durée.
Pour moy, je te promets de ne point t' éloigner,
Cloris, je me veux perdre, afin de te gagner.
Soit qu' il te plaise aller sur ces croupes chenuës,
Je te suivray par tout jusqu' au dessus des nuës ;
Soit que ton pied te guide au fond de ces deserts,
Je t' accompagneray jusques dans les enfers ;
Lieux qui cesseroient d' estre un sejour miserable,
S' ils estoient éclairez de ta flâme adorable.
Soit qu' il te plaise encore autre part habiter,
Je quitteray ces lieux pour ne te point quitter ;
Je joindray mes trouppeaux à ta trouppe cherie,
Par tout où tu seras, sera ma bergerie.
Mais afin qu' entre nous nostre sort soit égal,
Fay-moy part de ton bien, fay moy part de ton mal ;
Fay quand la mort viendra nostre amitié dissoudre,
Qu' un méme trait nous tuë, et nous reduise en poudre ;
Et comme amour brusla nos coeurs d' un seul flambeau,
Qu' un mesme lit nous serve à tous deux de tombeau.
Naudé, qui dans ces vers que ma muse t' envoye,
Verras des mouvemens de tristesse et de joye,
Croy qu' un dieu nous traça certe loy de sa main,
Que tel rid aujourd' huy, qui pleurera demain ;
Et que tout au rebours, tel aujourd' huy souspire,
Qui peut-estre demain se pasmera de rire.
Mais quoiqu' amour m' envoye, espere tost ou tard,
Ô mon fidelle amy, que je t' en feray part ;
Et dans ce juste soin qui m' agite et me presse,
Tu croiras que je t' aime autant que ma maistresse.
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Guillaume Colletet (1598-1659) Le retour de Cloris. Bergerie.
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