Au Roy Louis Xiii.
Sur son voyage de Piedmont, l' an 1630.
Au roy.
Puis que cet esprit infidelle,
Contre ce qu' il t' avoit promis,
S' est joint avec tes ennemis,
Va, mon prince, où l' honneur t' appelle ;
Va dessus ces monts sourcilleux
Punir ce colosse orgueilleux,
Rends tous ses efforts inutiles ;
Et monstre par tes faits guerriers,
Qu' il n' est point de lieux si steriles,
Où tu ne cueilles des lauriers.
Quoy que ce geant se propose,
Quoy que l' Espagne, et l' empereur,
Piquez d' une mesme fureur,
Soustiennent une mesme cause ;
D' un juste couroux animé
Vange l' innocent opprimé
Dont on ravage les campagnes ;
Et sans differer plus long-temps,
Ensevelis dans leurs montagnes
L' orgueil de ces nouveaux titans.
Ayant surmonté l' Angleterre,
Et brisé ce roc endurcy,
Qui d' un audacieux sourcy
Bravoit le reste de la terre ;
Mon prince, tu dois esperer
De voir tes desseins prosperer
Contre les partisans du Tage ;
S' ils ont beaucoup de vanité,
Le ciel t' a pourveu d' un courage
Plus grand que leur temerité.
Il n' est point de place si forte,
Que tu ne sois encor plus fort ;
Et qu' apres quelque peu d' effort
Ta vaillance enfin ne l' emporte ;
Contre toy tout pouvoir est vain,
Tout succombe aux coups de ta main ;
Tu destruits qui te veut abbatre ;
Et ton bonheur est si parfait,
Qu' en toy surmonter et combattre
Ne fut jamais qu' un mesme effet.
Aussi considerant le monde,
Et tout ce qu' il a de grandeur,
Je n' ay point veu dans sa rondeur
De monarque qui te seconde ;
Les Alexandres, les Cesars,
Qui tenterent tant de hazars,
Ne furent jamais si celebres ;
Ta vertu surpasse la leur,
Et leurs faits ne sont que tenebres
Devant l' éclat de ta valeur.
Va donc, grand prince, où ton genie
Conduit heureusement tes pas ;
Va donner le coup du trépas
Aux autheurs de cette manie ;
Va sur les aisles de nos voeux
Verser l' ire du ciel sur eux,
Ils font gloire de te déplaire ;
Maintiens un juste possesseur ;
S' ils ont provoqué ta colere,
Qu' ils n' éprouvent point ta douceur.
Au bruit que tes trouppes s' allient ;
Tous ces effroyables rampars
Qui nous separent des lombars,
Leurs superbes fronts humilient ;
Ils font voye à ton cardinal,
Qui des feux de ton arsenal
Travaille à les reduire en poudre ;
Et qui les contemple aujourd' huy,
Connoist clairement que ta foudre
A passé par là quant et luy.
Ô combien l' audace espagnole
Va souffrir de sanglans assaux !
Desja le genereux de Saux
Est dessus les murs de Rivole.
Ha ! Que de courages boüillans
Que ton exemple rend vaillans
S' en vont là remporter de gloire !
Il faut devant la fin de l' an,
Que tu finisses ta victoire
Par la conqueste de Milan.
Tandis mon art incomparable
S' entretiendra si bien de toy,
Qu' on ne verra jamais de roy
Dont le renom soit si durable.
Desja l' aurore, et l' occident,
Le nort, et le climat ardent,
Viennent consulter mes mysteres ;
Et lisant tes faits inoüis,
Ne veulent plus de caracteres
Que ceux qui parlent de Louis.