Hymne de S Jean l' evangeliste.
Pour l' an 1626.
Au roy Louis XIII.
Que vois-je qui brille et qui vole,
Qui fend les campagnes de l' air,
Plus viste que le fils d' Aeole,
Ou que les pointes d' un esclair ?
Qui d' une audace continuë
S' esleve au dessus de la nuë,
Et s' ouvre le chemin des cieux ?
Quoy que mon ame s' imagine ;
Cet aigle est d' essence divine,
Puis qu' il entre au palais des dieux.
Mais quelle douceur nompareille
Espand son charme en mes esprits ?
Veillé-je, ou bien si je sommeille ?
De quel plaisir me sens-je épris ?
J' oy l' esclat de sa voix insigne
Qui surpasse celle d' un cygne,
Quand la mort luy ferme les yeux.
Sacré ministre du tonnerre,
Je vay recüeillir sur la terre
Ce que tu semes dans les cieux.
Tu chantes les beautez écloses,
Lors que l' autheur du firmament
Donna commencement aux choses,
Luy qui fut sans commencement ;
Tu chantes la toute-puissance,
Et la glorieuse naissance
D' un qui nasquit en pauvre lieu ;
Quand domptant le serpent superbe
Il monstra qu' il estoit le verbe,
Ainsi que le verbe estoit Dieu.
Tu chantes que pour nous conduire
Sa vie estoit une clarté,
Qui luisoit, sans qu' on la vid luire,
Au travers de l' obscurité ;
Que pour le peché de la pomme
Le verbe-dieu s' estoit fait homme,
Ainsi qu' annonça son courrier ;
Qui rendit ce vray tesmoignage,
Que l' ouvrier connut l' ouvrage
Qui mesconnut son ouvrier.
Qui peut mieux chanter le mystere
De ces admirables effets,
Que le fidele secretaire
Du puissant Dieu qui les a faits ?
Les apprit-il pas de sa bouche,
Lors qu' en la bienheureuse couche
Du sein de la divinité,
Il tiroit avec allegresse
De larges torrens de sagesse,
Des sources de sa pieté ?
Durant sa passion amere,
Jesus-Christ qui l' aimoit si fort,
Luy commit le soin de sa mere,
Parmy les soucis de sa mort ;
Il meritoit, chaste comme elle,
D' avoir en garde une pucelle
Pleine de si divins appas.
Aussi le ciel pour recompense,
Encore aujourd' huy le dispense
Des communes loix du trespas.
Aigle, nostre ange tutelaire,
À qui Dieu ses graces départ,
Bel astre, dont la flâme éclaire
L' immortalité de nostre art ;
Grand sainct, fay que l' imprimerie
Soit en France tousjours cherie ;
Et que nostre prince vainqueur,
Qui vient d' ordonner que l' on ouvre
Aux muses les portes du Louvre,
Leur ouvre celles de son coeur.
Ainsi ce genereux monarque
Qui de Dieu seul reçoit la loy,
Puisse enfin surmonter la parque,
Et vivre immortel comme toy.
Que sa gloire soit sans seconde,
Puis que rien ne l' égale au monde ;
Et que sa valeur en tout lieu,
Cause du repos où nous sommes,
Le fasse redouter des hommes,
Autant qu' il est aimé de Dieu.