Voeux de l' imprimerie.
Au roy.
Durant le siege de La Rochelle 1628.
Ode.
Cheres délices de la terre,
Miroir des princes plus parfaits ;
Prince aussi redoutable en guerre,
Que débonnaire en temps de paix ;
Croy qu' en vain ta dextre animée
Braveroit au front d' une armée
Les efforts d' un peuple mutin ;
Si dans le temple de memoire,
L' image qu' on dresse à ta gloire
Ne bravoit l' effort du destin.
Souffre donc, ô puissant monarque,
Qu' au milieu de tant de soldats
Qui s' en vont affronter la parque,
Dessus les traces de tes pas ;
Je vienne rendre quelque hommage
À la grandeur de ton courage,
À qui tout doit estre soumis ;
Souffre que tes faits je raconte,
Pour graver doublement la honte
Sur le front de tes ennemis.
Tous ces grands heros de la Gréce,
Qui par tant de beaux faits divers
Signalerent leur hardiesse
Aux quatre coins de l' univers,
Verroient languir dans l' oubliance
Le souvenir de leur vaillance
Qui brava tant de nations,
Si la muse aux accens suprémes
N' eut entrepris dans ses poëmes
D' eterniser leurs actions.
Aussi ne faut-il pas qu' on pense,
Apres qu' on a bien combattu,
Qu' une plus digne récompense
Puisse honorer cette vertu ;
L' onde est douce à quiconque brûle
Des ardeurs de la canicule ;
Et les dieux mesme ont advoüé,
Qu' en la chaleur d' une victoire
Rien n' est de si doux que la gloire
Qu' on reçoit d' estre bien loüé.
Mais la plus parfaite loüange
Periroit avec son sujet,
Si par je ne sçay quoy d' estrange
Je n' en ressuscitois l' objet ;
C' est ce bel art où je preside
Qui sert d' une puissante aegide
Contre l' atteinte du trespas ;
C' est par luy, quand l' homme succombe
Dans l' obscure nuit d' une tombe,
Que sa vertu n' y tombe pas.
Ô que si le grand Alexandre
En eut pû connoistre le prix !
Il n' eut pas pleuré sur la cendre
D' un pour qui l' on fit tant d' escrits.
Quoy que son ame fust saisie
De l' amour de la poësie,
Qui promet de rendre immortels
Ceux qu' elle flatte de ses charmes ;
C' est de moy seule que ses armes
Eussent esperé des autels.
Faut-il que tes peuples s' estonnent
Si parmy l' horreur et l' effroy
De cent canons qui t' environnent
Je me viens presenter à toy ?
C' est afin de faire connaistre
Que le mesme air qui les fit naistre,
Fut celuy qui vint m' animer ;
Et que comme l' artillerie
Peut faire craindre sa furie,
Ma douceur me peut faire aimer.
Mais, ô monarque incomparable,
Heros, ma gloire, et mon appuy,
Si mon art est si favorable
À ceux qui recourent à luy ;
Rends-luy caresse pour caresse,
Il t' aborde avec allegresse ;
Et ma voix ose t' assurer,
Que si ta faveur le seconde,
Il ne paroistra plus au monde
Qu' afin de t' y faire adorer.
Ainsi puisses-tu comme un foudre
Destruire l' audace et l' orgueil
De ces gens qui t' ont fait resoudre
À leur préparer un cercueil
Qu' autant d' assauts que tu leur donnes
T' acquierent autant de couronnes ;
Et qu' apres tous ces beaux exploits,
Ta main fatalement choisie,
Sur le tombeau de l' heresie
Plante l' estandart de la croix.