Hymne de l' imprimerie 1627.
Au roy.
Nymphes, mes fidelles compagnes,
Sainctes deïtez que je sers,
Depuis que dessus vos montagnes
J' entendis vos doctes concers,
Ô muses, quittez vostre ouvrage,
Venez en foule rendre hommage
À cette merveille des cieux,
Que dessus la terre où nous sommes,
Les dieux envoyerent aux hommes,
Pour les rendre pareils aux dieux.
C' est par elle que la memoire
De tant de mérites divers,
Vola sur l' aisle de la gloire
Jusques aux bouts de l' univers.
Pour elle aussi la renommée
Rendit sa trompette animée,
Loüa ses labeurs excellens,
Qui surmontant les destinées,
Disent en moins de trois journées,
Ce qu' on ne fit qu' en trois mille ans.
Sans elle ces doctes genies
Que revere l' antiquité,
Qui par des veilles infinies
Acquirent l' immortalité,
Languiroient dans la nuit obscure
D' une funeste sepulture,
Avec ce qu' ils ont fait de beau.
Nous n' aurions d' eux aucune marque,
Et leur nom sujet à la parque
Seroit comme eux dans le tombeau.
Comme quand la nuit tend ses voiles,
Tout est invisible à nos yeux,
Rien ne paroist que des estoiles,
Dont l' objet nous est ennuyeux ;
Mais quand l' aurore aux doigts de roses
A du jour les portes décloses,
Nous voyons le ciel à loisir,
Nous contemplons la terre, et l' onde ;
Et les moindres objets du monde
Nous sont des objets de plaisir.
Ainsi devant que Typosine
De Jupiter au ciel conceut
Cette nymphe toute divine
Du sainct baiser qu' elle receut ;
Nous languissions dans les tenebres,
Tous objets nous sembloient funebres ;
Tout nous menassoit du trépas ;
Et tout nous faisoit bien parestre,
Qu' il vaut presque autant ne point naistre,
Que de naistre, et ne vivre pas.
Dequoy sert l' ardente lumiere
Que fait éclatter un flambeau,
Si quelqu' un la tient prisonniere
Dans les tenebres d' un tonneau ?
Qui rend la vertu signalée,
Sinon lors qu' elle est dévoilée,
Et qu' on peut voir son action ?
Les préceptes ont quelque amorce ;
Mais l' exemple a bien plus de force,
Et fait bien plus d' impression.
Combien de peuples honorérent
Le moment que tu vins au jour !
Les plus beaux esprits témoignerent
Qu' ils s' eschauffoient de ton amour.
Tout autre art prit un nouveau lustre,
Sous toy des arts le plus illustre ;
Les loix eurent plus de vigueur ;
On connut leurs sacrez mysteres ;
Et tes merveilleux caracteres
Les graverent dans nostre coeur.
Ô nymphe, de qui l' industrie
De toutes choses vient à bout,
Triomphe, docte imprimerie,
Du temps, qui triomphe de tout.
Que nulles bornes soient prescrites
Aux vrais honneurs que tu merites ;
Et de tes traits les plus polis,
Marque tousjours dans ton ouvrage
La gloire et la vivante image
Du monarque des fleurs de lys.
Fay que cet ornement des princes,
Qui n' eut jamais rien de pareil,
Jusqu' aux plus lointaines provinces
Soit plus connu que le soleil ;
Qu' apres toy les peuples estranges
Soient les echos de ses loüanges,
Et de mes cantiques divers ;
Et si ma muse te fait vivre
Dans l' eternité de ses vers,
Eternise la dans ton cuivre.