Le second narcisse.
Sonnet 39.
Je m' efforçois un jour sur les rives de Seine
D' émouvoir à pitié l' insensible Cloris ;
Mais plus je la priois, plus ses cruels mespris
Augmentoient ma douleur, et redoubloient ma peine.
J' estois comme Narcisse au bord de la fontaine,
D' une ardente chaleur violemment épris ;
Je sentois d' heure en heure affoiblir mes esprits,
Et je restay bien tost sans force, et sans haleine.
Cleandre, comme luy, je mourois en langueur.
De ne pouvoir joüir de l' objet de mon coeur,
Qui comme sa beauté rendoit mon mal extréme.
Mais las ! J' estois encor plus malheureux que luy ;
Car au moins en aimant il mouroit pour soy-mesme,
Et moy je ne mourois que pour aimer autruy.