L' absence cruelle.
Sonnet 57.
Avec le renouveau mon amour renouvelle,
Loin de cette beauté dont mon coeur est épris ;
Et malgré ses desdains, et malgré ses mespris,
Moy-mesme je m' oublie, et ne pense qu' en elle,
Ogier, mon cher amy, dont la muse immortelle
Est le docte entretien des plus doctes esprits ;
Puis qu' il n' est rien d' égal aux graces de Cloris,
N' en dois-je pas garder la memoire eternelle ?
Je sçay bien que mon coeur te semble peu constant,
Mais cét astre est si beau que je l' aime pourtant,
Même au point que je vois sa lumiere éclipsée.
Qu' amour produit en moy d' effets prodigieux !
Le printemps est par tout, horsmis dans ma pensée,
Puis que mon beau soleil ne luit pas à mes yeux.