La louange cruelle.
Sonnet 55.
Si vostre coeur s' accorde avec vostre visage,
S' il est doux comme luy, s' il seconde mes voeux,
Puis que j' ay fait de vous un portrait si fameux,
Aimez en l' ouvrier, aussi bien que l' ouvrage.
Ô que pour avoir fait une si belle image,
Je voy de morts vivans, de vivans amoureux !
Vos beautez dans mes vers allument tant de feux,
Que le flambeau d' amour n' en a point davantage.
Ainsi par mes escrits si charmans, et si doux,
Chacun parle de moy, chacun parle de vous,
Et chacun vous respecte autant que l' on me louë.
Vous me loüez aussi, beau miracle d' appas ;
Mais c' est couvrir de fleurs un qui meurt sur la rouë
Que de loüer mes vers, et de ne m' aimer pas.