Le jeu du volant.
Sonnet 75.
Un jour que ma Cloris d' une grace nouvelle,
Une palette en main me poussoit un volant,
Il suspendit son vol, et d' un tour chancelant,
Au lieu de m' approcher ne s' éloigna pas d' elle.
Que faites-vous, luy dis-je, ô ma nymphe immortelle ?
D' où vient que vostre bras est si foible et si lent,
Cependant que le mien d' un effort violent
Le pousse jusqu' à vous à longue tire d' aisle ?
Alors armant ses yeux si charmans, et si doux,
D' un superbe dédain, et d' un noble couroux,
Elle me répondit d' une voix assez rude ;
Je n' ay que trop pour toy de force et de vigueur ;
Si les coups de ma main sont pleins d' incertitude,
Au moins ceux de mes yeux frappent tousjours au coeur.