PLUME DE POÉSIES
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 Jacques De Coras (1630-1677) PREFACE

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James
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Jacques De Coras (1630-1677) PREFACE Empty
MessageSujet: Jacques De Coras (1630-1677) PREFACE   Jacques De Coras (1630-1677) PREFACE Icon_minitimeSam 14 Juil 2012 - 16:48


PREFACE


pXIII

J'auertis, d'abord, le lecteur, que ie donne au
public vn ouurage qui a esté veû, et corrigé en
plusieurs endroits, et, si ie l'ose dire, assez ap-
prouué, par trois ou quatre des meilleurs esprits
de la cour, et de l'académie. Si la modestie de ces
messieurs, ou la mienne, me permettoit de les nom-
mer, ce seroit vn auis, aprés lequel ie n'aurois pas
besoin d'autre préface, pour préocuper les jugemens
en ma faueur, et pour briguer les suffrages de la mul-
titude, qui est obligée de suiure les sentimens du petit
nombre choisy. Vn plus hardy que ie ne suis, diroit
là-dessus, qu'vn enfant à qui ces excellens amis n'ont
pas refusé de prendre quelque soin de son éducation,
ne doit pas estre fort mal-né, et ne peut estre indigne
de voir le jour; que le produisant sur leur parole, ie
ne puis douter qu'il ne réüssisse; et qu'vne entre-
prise qui a de si bons garens, ne sauroit manquer
d'estre heureuse, ou, pour le moins, d'estre bien-
fondée.

Mais, soit que ie considére que ces grands-hom-
mes n'ont corrigé que les fautes les plus grossiéres de
mon poëme, et qu'ils ont eû beaucoup d'indulgence
pour moy dans tout le reste; soit que ie sois conuain-
cu de ma foiblesse, et que Dieu m'ait fait la grace de
voir les defauts de ce que ie produis, pour n'en auoir
que de modestes pensées; ie me sens obligé de recon-
noistre que mon liure est fort imparfait en toutes
façons, et que ceux qui le liront, auront beaucoup de
peine à l'honorer de leur approbation, s'ils ne luy
veulent faire faueur plûtost que justice. Et véritable-
ment, si i'attendois de mon mérite, vn auantage
que je ne puis, ni ne veux deuoir qu'à la bonté de
mes lecteurs, ie serois coupable d'vne extréme igno-

pXIV

rance, et d'une excessiue présomption; ie n'aurois
pas appris à connoistre mon siécle, et moins encore
à me connoistre moy-mesme; ie ne saurois pas que
les hommes sont aujourd'huy si subtils, et si délicats
qu'ils découurent des taches dans le soleil, et ne
trouuent pas la manne à leur goust; tellement qu'il
n'y a guére d'apparence qu'ils accordent à des produ-
ctions défectuëuses comme la mienne, vne loüange
qu'ils refusent aux ouurages les plus excellens. I'i-
gnorerois encore, que l'entreprise d'vn poëme epi-
que, demande des efforts d'esprit dont ie ne suis pas
capable, et que ie ne puis presque me soûtenir dans
mon projet, que par le mot de ce jeune audacieux,
dont la chute a esté inuentée par vn poëte, et imitée
par tant d'autres.

In Magnis Voluisse Sat Est.
Ie ne considérerois pas encore assez, que ie parois
sur les rangs aprés vn grand nombre d'illustres poë-
tes, qui se sont rendus si recommandables dans l'em-
pire des muses, sur-tout, en ce genre d'écrire, que
i'ay sujet de craindre qu'on ne daigne me regarder
parmy ces grans génies, et qu'vn nain, ne puisse
estre remarqué parmy des géans, ni vn homme vul-
gaire parmy des héros. En effet, quoy que ie ne sois
pas étranger dans les mystéres des prophétes de
Sion, ie reconnois que ie ne suis pas de condition à
courir dans la carriére auec ces roys du Parnasse, et
ie déclare, que ie suis leur ecolier, plûtost que leur
riual, et que tout ce que ie puis faire est, de les sui-
ure des yeux, sans prétendre de marcher sur leurs
traces.

Aprés cette reconnoissance, ie confesseray franche-
ment, qu'ayant composé ce poëme, auant que ceux
de ces messieurs eûssent paru, et me voyant sur le
point de le mettre au jour, pour le présenter à l'illustre
prince pour qui ie l'auois fait, i'en fus tout-à-coup
empéché par la publication de quelques-vns de ces ou-
urages, où ie remarquay tant de force, tant de beautez,
et tant d'ornemens, que ie ne pus me résoudre à faire
voir la foiblesse et la simplicité de cette production de
mon esprit; et ie croy que ie l'eusse condamnée à vne

pXV

prison perpétuëlle, si des personnes que ie ne puis dé-
dire en quoy que ce soit, ne l'eussent tiré de l'obscuri-
té de mon cabinet, par vne généreuse imitation de
cette puissance et de cette bonté, qui firent sortir du
ventre de la baleine le prophéte qui en est le sujet.
Ces excellentes personnes n'ont pû souffrir que ie ca-
chasse plus long-temps vn ouurage que i'auois fait
pour diuertir saintement vn héros qui est admiré de
toute la France, aprés que sa prudence et sa valeur
ont esté si glorieusement employées pour luy faire
moissonner les lauriers de la victoire, et pour la faire
reposer, enfin, sous les oliuiers de la paix.
I'abandonne donc mon poëme au hazard de l'im-
pression, y estant obligé par vne puissance à laquelle
ie ne pouuois résister, et sans injustice, et sans in-
gratitude; et quoy que ie paroisse en public auec assez
de timidité, j'espére qu'on m'entendra chanter à
mon tour, sinon auec plaisir, du moins auec patien-
ce, maintenant que le prémier bruit des acclama-
tions que les autres ont receuës, est passé. Et ie croy
qu'on ne trouuera pas mauuais que ie face parler vn
prophéte, aprés que tant de trompettes éclatantes
ont entonné les actions des plus illustres guerriers.
Mais comme les musiciens nous préparent, par cer-
tains préludes, à ouïr leurs chans; i'ay creû aussi que
ie deuois dire certaines choses par auance, qui fussent
des préparatifs à la lecture de mon ouurage, et qui en
disposant l'esprit de mes charitables lecteurs,
pûssent préuenir les objections de quelques rigou-
reux critiques.

Ie ne donne pas à cet ouurage le titre de poëme hé-
roïque, parce que ie n'ay pas esté persuadé que le su-
jet que j'y traite, en pust soûtenir la dignité. Ce n'est
pas que la voix de Ionas n'ait produit des miracles
qui surpassent ceux qui peuuent partir de la main des
plus grans héros, et ie trouue la seule conuersion de
Niniue qu'il opéra par sa prédiction, beaucoup plus
merueilleuse que la prise de Troye. On doit pourtant
considérer, que Ionas n'estoit pas vn guerrier, mais
vn prophéte; qu'il n'a pas assiégé Niniue auec vne
armée; qu'il ne l'a pas prise d'assaut; qu'il s'est con-

pXVI

tenté d'y faire tonner les menaces du dieu des ven-
geances: et qu'il l'a soûmise à ses loix, sans luy tirer
vne goute de bon sang, et sans luy faire répandre que
des larmes, et des larmes encore qui deuoient procurer
son salut. Que si dans le récit qu'Aman fait des ex-
ploits du prophéte; celuy-cy est cause du gain d'vne
bataille, et de la prise de deux villes, il faut considé-
rer que les armes que ie luy donne pour produire ces
grans éuénemens, ne sont pas terriennes et corporel-
les, mais spirituëlles et célestes; qu'il combat les enne-
mis auec la parole, et non-pas auec l'espée; qu'il les
met en déroute à la campagne, et hors de défense
dans leur ville, non auec les machines de guerre que
les vainqueurs et les conquerans employent dans les
siéges et dans les combats; mais auec vn etendard
que Dieu luy auoit mis entre les mains, et qui estoit
plus propre à faire admirer la vertu diuine qu'à faire
éclater la puissance humaine.
Ie n'ay pas voulu, non-plus, intituler mon poë-
me, idile héroïque, parce qu'encore que ie pusse me
fonder, en cela, sur quelque exemple, et peut-estre
sur quelque raison, ie n'ay pas creû le deuoir faire,
de peur de donner à mes lecteurs la peine de recourir
aux grecs et aux italiens pour entendre le titre de
mon liure; ie l'ay donc intitulé, poëme sacré, esti-
mant que ce titre, qui est entendu de tout le monde,
qui est digne d'vn sujet pris de l'escriture sainte, et
qui m'a esté suggéré par vn des plus judicieux esprits
de nostre siécle, deuoit estre préféré à tout autre. Il
est vray que ce titre est général, et qu'il ne m'engage
à rien de trop particulier; mais il n'en est que plus
commode pour celuy qui écrit, et pour ceux qui li-
sent; ie pense qu'il ne sauroit estre trouué-mauuais,
en vn siécle où l'on n'a pas desapprouué le procédé de
ce galant-homme, qui voulant faire imprimer vne
piéce de théatre, et ne sachant s'il luy deuoit donner le
nom de tragédie, de tragi-comédie, ou de comédie,
à cause que son ouurage tenoit de toutes les trois,
s'auisa, enfin, pour se tirer d'embarras, de l'intitu-
ler, poëme dramatique.

Pour passer du titre de l'ouurage, à l'ouurage mes-

pXVII

me, ie ne doute point que plusieurs ne trouuent beau-
coup à redire dans son inuention, dans sa disposition
et dans son élocution: et peut-estre que ie receuray
leurs censures auec autant de docilité, qu'ils sauroient
auoir de charité à me marquer mes fautes; ie croy,
pourtant, n'auoir rien auancé dans toutes ces parties,
que ie ne peusse iustifier, ou par la raison, qui doit ré-
gler nos sentimens, ou par l'autorité des plus excellens
ecriuains, qui tient quelquefois lieu de raison, et
qui, au-pis-aller, est plus considérable, que toute
la critique des censeurs.
Si l'on m'accuse d'auoir employé quelques fictions
dans vne histoire véritable, ie déclare que ie ne veux
point me seruir, pour ma justification, du priuilége
général des poëtes, Quidlibet Audendi: ie ne veux
point me traiter de personne priuilégiée, pour oser
entreprendre des choses qui ne sont pas raisonnables
ou légitimes; mais j'oseray dire, que la fiction iudi-
cieuse estant l'ame de la belle poësie, ie n'ay pû me ré-
soudre à faire vn ouurage qu'on pût appeler vn corps
sans ame; sur-tout, aprés auoir appris des maistres
de l'art, que les inuentions où l'on entreuoid des
fondemens historiques, rendent la vérité plus belle,
et mesme plus vray-semblable. Et certes, si i'en auois
vsé autrement, i'aurois bien mérité qu'on m'appli-
quast la raillerie de cette excellente faiseuse de vers qui
seût pindariser sur Pindare-mesme, en luy reprochant
qu'il ne sauoit rien-faire, parce qu'il ne sauoit rien
feindre. Qu'il suffise aux critiques, que ie n'ay point
esté excessif dans mes inuentions, et que i'ay mieux
profité de l'auis de la belle Corinne, que ne fit Pin-
dare, qui luy portant, quelques iours aprés, vn ou-
urage tout remply de fictions entassées, mérita qu'el-
le le raillast vne seconde fois, en ces termes: il faut les
semer auec iugement, et non-pas les jetter à-pleines-
mains. Au reste, si i'ay pris la liberté d'employer des
inuentions poëtiques dans vne histoire sainte, ie l'ay
fait auec assez de circonspection et de retenuë, pour
n'auoir pas sujet de craindre qu'on me le reproche:
en-tout-cas, ie ne pense pas auoir passé les justes bornes.

Quos Vltra Citraque Nequit, Consistere Rectum.
Et ie croy m'estre conduit comme doit faire
vn homme qui sait, qu'il n'est pas permis d'in-
uenter dans toutes les matiéres saintes; et
qu'en celles-là-mesmes où il n'est pas défendu,
toutes sortes d'inuentions ne sont pas permi-
ses. Ie say que la religion et la conscience ne
permettent pas à vn poëte chrestien de faire
de nouueaux articles de foy, et qu'il ne doit
point toucher aux endroits de l'escriture où
sont contenus les points nécessaires au salut.
I'auouë encore, qu'il n'est pas permis de ren-
uerser vne vérité de l'histoire sainte, quoy
qu'elle ne soit point nécessaire au salut; et ie
croy qu'il n'y a point de poëte si peu sérieux,
qui doiue imiter l'inuention de ceux qui se
donnent cette licence. I'auouë mesme, qu'vn
poëte chrestien ne doit jamais employer, dans
vn sujet sacré, vne inuention fabuleuse et
payenne, comme quelques-uns sont tombez
dans ce defaut.

Ie n'ay garde d'aprouuer tous ces excés de
ceux qui se sont meslez d'inuenter, en traittant
les matiéres saintes: bien-loin de cela, ie ne puis
souffrir qu'on mesle Iupiter auec le dieu d'A-
braham, d'Isaac, et de Iacob; ni Orphée auec
Iesus-Christ, ni Hercule auec Samson. Ie suis
mesme si scrupuleux, que ie ne mettrois iamais
les noms des diuinitez payennes dans la bou-
che d'vn fidéle, qu'en les traittant comme elles
méritent, c'est-à-dire, comme des faux-dieux
et des idoles. Ie ferois conscience de me seruir
des noms de Neptune, de Vulcain, et de Cy-
béle, pour exprimer la mer, le feu, et
la terre, à-moins que d'introduire vn payen
qu'il faut faire parler selon sa religion: et
si i'en estois creû, Saturne, Iupiter, Mars,
Mercure, et Vénus, ne signifieroient iamais
que les planétes qui en ont conserué les
noms, et ne trouueroient plus de place que
dans les almanachs, et dans les liures

pXIX

d'astrologie. Aussi, selon ces maximes,
ie n'ay rien inuenté qui choquast la doctrine
chrestienne, et qui renuersast les fondemens
du salut; rien qui altérast la vérité de l'histoi-
re, rien qui sentist la fable des payens. Ie n'ay
pas dit, que Ionas se soit embarqué sur Thétis
ou sur Neptune, ni que Eole ait excité la tem-
peste contre le vaisseau où il estoit; ni que le
prophéte, ayant esté jetté dans la mer, la ba-
leine l'ait receu sur son dos, et l'ait porté à ter-
re, en la maniére que les poëtes payens fei-
gnent qu'vn dauphin fit Arion; moins enco-
re ay-je feint, que lors que Ionas fut tiré du
ventre de la baleine, Nérée, Triton, et toute
leur famille, le prissent pour Neptune, qui
sortoit de son palais, quoy que ie sache que
quelqu'vn a eû cette pensée.

I'ay éuité tous ces écueüils, où le jugement
de plusieurs a fait naufrage, et ie me suis con-
tenté de mesler dans mon histoire quelques in-
cidens plausibles, et vray-semblables, pour
l'ornement de mon sujet, et pour l'embellisse-
ment de mon ouurage: encore faut-il remar-
quer, que la plus-part de ces incidens n'ont-pas
moins de vérité que de vray-semblance.
Pour venir aux preuues de ce que ie dis; dans
le prémier liure, j'introduits Dieu, qui voyant
d'vn costé la corruption du peuple de Niniue,
et de l'autre la rebellion de son peuple, est prest
à se venger de tous les deux; et comme il sem-
ble qu'il doit commencer par son peuple, com-
me par le plus ingrat, il est excité par sa iustice
à le punir; mais il est sollicité par sa miséricor-
de à luy pardonner, en considération de l'al-
liance qu'il auoit faite auec ce peuple; et alors,
sa sagesse interuient, laquelle conseruant le
droit de chacune de ces deux autres vertus diui-
nes, est d'auis que Dieu enuoye à Niniue vn
de ses prophétes, qui opére sa conuersion, en
la menaçant de sa prochaine ruïne; en quoy la
sagesse eternelle ne se propose pas seulement de

pXX

rendre ce peuple inexcusable, en cas qu'il s'en-
durcisse dans son péché, aprés la repentance
d'vn peuple étranger, et idolâtre; mais elle a
encore pour visée de donner vn prélude et vn
essay de la vocation des gentils, et de la re-
jection des iuifs, dans la grace qu'il fait aux
niniuites, et dans l'endurcissement misérable
où il laisse le peuple de Iuda et d'Israël, com-
me ie l'explique dans le dernier liure. Ceux
qui ont leû les ecrits des anciens péres et des
plus célebres théologiens modernes, m'a-
uouëront, que tout ce que j'auance, en cette
rencontre, n'est pas vne inuention de mon es-
prit, mais vne pure explication d'vn des plus
excellens mystéres de la religion chrestienne;
et ceux qui veulent qu'on traitte la théologie
auec ornement, me sauront bon-gré (ie m'as-
sure) de quelques descriptions assez riches et
assez fleuries, que ie fais dans le prémier liure,
lors que ie représente la iustice, la sagesse, et
la clémence de Dieu, et que i'entreprens de
décrire Dieu luy-mesme, descendant du ciel
pour donner ses ordres à Ionas.

Dans le second liure, Aman, amy de Ionas,
raconte, comment ce prophéte fut ressuscité
par Elie. Cette auenture est si rare, et si peu con-
nuë, que force gens penseroient qu'elle a esté
inuentée à-plaisir, et qu'elle doit sa naissance à
l'imagination du poëte, si ie ne les auertissois
que ie l'ay prise du traitté que S Augustin a
fait des choses merueilleuses de l'ecriture sain-
te, et qu'elle est fondée sur vne des traditions
des hébreux, qui tiennent que Ionas estoit le
fils de la veuue de Sarepta, dont il est parlé
dans l'histoire des roys, et dont il est dit,
qu'il fut ressuscité par ce grand prophéte. Ces
mesmes auteurs m'ont appris, que Ionas
estoit vn des disciples d'Elisée, et que c'estoit
celuy-là-mesme qu'il enuoya pour sacrer Iéhu
roy d'Israël, comme ie l'explique en vn autre
endroit.

pXXI

La vérité de cette auenture est suiuie d'vne
bataille, et d'vn siége, dont le roy d'Israël
remporte tout l'auantage sur les syriens. Ce
récit, ou quelque autre semblable, estoit
nécessaire dans vn poëme epique, à
qui l'on ne peut reprocher de manquer
entiérement de guerre, sans l'accuser d'vn
grand defaut; puis-qu'il est vray que la
guerre est vn des principaux piuots qui doi-
uent porter cette machine. D'ailleurs, ce récit
sert à démesler le milieu de l'histoire du pro-
phéte d'auec son commencement; de sorte
que i'ay esté non seulement en droit de l'in-
uenter, mais i'ay, peut-estre, encore mérité
quelque loüange de n'auoir pas du tout négli-
gé la pratique d'vn secret, qui sert à suspendre
agréablement l'esprit des lecteurs, et à leur
donner vne douce inquiétude dans l'attente de
voir joindre ce qu'ils ne sauent pas encore auec
ce qu'ils sauent déja. Mais afin qu'on ne croye
pas que i'ay fait entrer par force, ce récit dans
mon sujet, il faut qu'on sache qu'il y a esté in-
troduit par l'autorité de l'histoire sainte, qui
rapporte, que les villes de Damas, et d'Emat
furent reconquises et réünies au royaume d'Is-
raël, par Iéroboam, et qu'il rétablit les bor-
nes de son empire, depuis cette derniére ville,
iusques au lac Asphaltite, selon la parole que
le seigneur auoit prononcée par son seruiteur
Ionas. C'est ce que Iosephe confirme encore en
des termes qui autorisent les circonstances de
ce récit; de sorte qu'il ne sauroit estre mieux
fondé qu'il est.
Il n'y a que cette baniére qui fut si fatale aux
syriens, que quelques-vns, peut-estre, vou-
dront arracher des mains de Ionas, comme
vne pure inuention de mon esprit; mais pour
les obliger à ne luy faire point cette violence;
ie les prie de se souuenir, que Dieu s'est seruy
autrefois de l'arche, pour faciliter aux israëli-
tes le passage du Iordain, et depuis encore,

pXXII

pour vaincre et punir les philistins; qu'il a
employé des trompettes et des clairons pour
faire tomber les murailles de Iérico; et que
par conséquent, vn etendard, qui est vne légére
imitation de ces fameux instrumens des victoi-
res des israëlites, doit estre souffert dans vn
poëme epique, comme vne chose fort vray-
semblable. Il semble, au-pis-aller, que l'en-
seigne qui fut donnée au prémier roy de Fran-
ce chrestien, et qui luy seruit si heureusement
dans ses exploits héroïques, justifie le don qui
est fait à Ionas d'vne enseigne pareille à celle-
là; et ie ne say si l'on peut déchirer cette der-
niére, sans que cet affront rejallisse sur l'ori-
flame, auec qui elle a beaucoup de rapport.
Dans le sixiéme liure ie fais faire à la balei-
ne, qui auoit englouty Ionas, vn chemin bien-
long, et bien-étrange; puis-que ie luy fais tra-
uerser la mer Egée, qu'on nomme aujourd'huy
l'Archipelague; franchir l'Hellespont, qui
est le détroit de Gallipoli, passer la Proponti-
de, et le Bosphore, c'est-à-dire, le canal, et le
détroit de Constantinople, pour entrer dans
la mer Euxine, et pour porter Ionas iusques
au port de Trébisonde, d'où il part ensuite,
pour s'acheminer vers Niniue. Mais si ce che-
min est vne inuention, elle est de Ioséphe, qui
raconte que Ionas fut vomy par la baleine
sur les bords du Pont-Euxin; et chacun void
assez, qu'en suiuant l'autorité de cet histo-
rien, que ie ne deuois pas rejetter, ie n'ay pû
mener le poisson que par le chemin que i'ay
marqué. Il se peut faire que les critiques trou-
ueront d'abord ce chemin assez rude; mais
pour le rendre vny; ie n'ay qu'à leur représen-
ter, que comme toute cette histoire est extré-
mement extraordinaire, et la conduite que
Dieu y a tenuë, toute mystérieuse, à cause de
la vocation des gentils, et de la sepulture de
Iesus-Christ dont il a voulu qu'elle fust le
crayon; il ne faut point s'étonner si la course
de la baleine a esté miraculeuse, comme tout le
reste. Que s'ils ne veulent pas se contenter de
cette raison générale, ie leur diray, que quel-
que extraordinaire que soit cet incident, il l'est
beaucoup moins que le sejour que Ionas fit
dans le ventre de la baleine, sans mourir, et
mesme sans estre offensé en aucune sorte; tel-
lement que la foy les obligeant d'accorder,
que la vérité se rencontre dans cette prémiére a-
uenture, qui est la plus miraculeuse, la raison ne
leur permettra pas de nier, que la vray-sem-
blance ne se trouue dans cette derniére qui l'est
beaucoup moins. S'ils sont persuadez de la
puissance infinie de Dieu qui conduit la balei-
ne, ils n'auront nulle peine à se persuader la
route qu'elle tient, et s'ils ont assez de foy hi-
storique, pour croire qu'il y a vne foy des mi-
racles, dont vn grain suffit à transporter les
montagnes, ils souffriront facilement qu'vn
poisson, qui est plus facile à estre transporté,
passe de la mer Méditeranée à la mer Euxine:
et ie ne pense pas qu'ils veüillent imiter l'in-
crédulité peu raisonnable de ces payens, dont
parle S Augustin, qui se moquoient de ce que
Iosephe récite, que la baleine fit pour Ionas,
quoy qu'ils ne fissent point de difficulté de
croire, qu'vn dauphin en auoit fait autant
pour Arion. I'espere donc qu'ils n'enuieront
pas à Ionas le port de Trebisonde, aprés vne si
longue et si rude tempeste, et qu'ils laisseront
nager la baleine en pleine liberté, pour le por-
ter en terre-ferme, et sur le bord le plus proche
de la ville où Dieu auoit résolu de l'enuoyer.
Au reste, ceux qui soûtiennent que le poisson
qui engloutit Ionas, estoit vne de ces lamies
que Pline décrit en son histoire naturelle, sont
plus hardis que moy, qui me suis contenté de
l'exprimer par le nom general que l'ecriture
sainte luy donne. Mais, aprés-tout, qui leur
a réuélé que ce fust vne lamie, plûtost qu'vn
de ces affreux poissons, qui se trouuent auprés

pXXIV

d'Islande, lesquels, au rapport de Munster,
sont grans comme des montagnes; qui ren-
uersent les nauires si on ne les effraye par des
trompettes, où si on ne leur jette des vaisseaux
ronds et vuides pour les amuser; et sur le dos
mesme desquels les mariniers qui les prennent
pour des isles, jettent quelquefois l'anchre,
ce qu'ils ne font pas, comme ie crois, sans se
mettre en vn extrême danger. Que sauent encore
ces curieux pescheurs de lamies, si Dieu ne créa
pas exprés le poisson dont il s'agit, pour en-
gloutir le prophéte, et si ce grand corps qui
fut si dispos, et si agile en cette rencontre, ne fut
pas vne production immédiate de l'auteur de
la nature? Pour moy, ie ne veux rien décider
là-dessus; mais posé que Dieu eust créé cette
baleine, ie pense qu'il faudroit la nommer
diuine, pour la distinguer de ces horribles
poissons d'Islande, que les gens du païs appel-
lent trolual, c'est-à-dire, baleines diaboliques.
Sur la fin du mesme liure, l'esprit prophé-
tique saisit Ionas, aprés qu'il est sorty de ce se-
pulchre viuant, qui l'auoit retenu trois jours
et trois nuits; et luy fait contempler en vision
le messie, qui deuoit se releuer du tombeau,
aprés y auoir demeuré vn pareil espace de
temps. Si quelques-vns trouuent qu'en cette
occasion ie face Ionas plus sauant qu'il n'estoit,
et que ie luy attribuë des lumiéres au-dessus de
la réuélation de son siécle; ie les prie de consi-
dérer, que Ionas estoit vn de ces hommes ex-
traordinaires, ausquels Dieu déclaroit quel-
que-fois les souffrances qui deuoient arriuer à
Iesvs-Christ, et la gloire qui les deuoit
suiure: que ce prophéte auoit cela de particu-
lier, en cette circonstance de son histoire, qu'il
estoit le type et la figure du messie ressuscité, et
qu'auec tous ces auantages, ie ne luy fais voir
que fort obscurément, et comme en songe, vn
mystére dont personne ne pouuoit estre
mieux éclaircy que luy.

pXXV

Dans le septiéme liure, et dans les suiuans,
ie donne au roy de Niniue vne maîtresse que
ie nomme Adine, c'est-à-dire, voluptuëuse, et
délicate, selon la force de la langue hébraïque,
dont i'ay emprunté ce nom. I'auouë que l'hi-
stoire sainte, ni la profane, ne parlent point de
cette femme, et mon dessein n'est pas de faire
croire, que ce roy eust vne maîtresse qui por-
tast ce nom. Mais ie ne pense pas aussi, que per-
sonne osast soûtenir, qu'il n'en-auoit point du
tout. Car il y a beaucoup d'apparence qu'vn
monarque payen, qui faisoit son séjour ordi-
naire dans vne ville plongée dans le vice et
dans la débauche, n'estoit pas plus sage que
Salomon, qui auoit vn si grand nombre de
femmes, comme dit l'histoire des roys, et qui
a fondé le serrail, comme parle vn des plus élo-
quens ecriuains de ce siécle. Il me semble
donc, que ie ne suis pas fort hardy, ni fort
entreprenant dans mes inuentions, si ie donne
vne maîtresse à vn prince qui peut-estre en
auoit plus de cent. Et ie m'asseure que ceux qui
sauent qu'il faut mesler vn peu d'amour dans
le poëme epique, et qui considéreront que
cette amante du roy de Niniue estoit vne
piéce nécessaire à l'allégorie que ie cherchois,
trouueront, qu'il y a plus de sujet de louër mon
inuention, que de prétexte pour la repren-
dre.
Ie ne pense pas aussi, que personne soit en
droit de desapprouuer, et de rompre l'assem-
blée du conseil du roy de Niniue, où le jeûne
est résolu, aprés que deux de ses conseillers ont
disputé, dans leurs harangues, sur vne que-
stion si importante, qu'a fait naistre la prédi-
cation de Ionas. Car outre que cette assemblée
a son fondement dans l'histoire-mesme du
prophéte, où il est remarqué que l'edit du
jeûne fut publié de la part du roy, et de ceux
de son conseil; il est, d'ailleurs fort vray-
semblable qu'il y auoit auprés du monarque,

pXXVI

quelque impie, et quelque profane, tel que
ce Raguzel, que j'introduis, parlant contre la
prouidence diuine, et contre la prédication de
Ionas: et il ne faut point douter qu'il n'y eût,
à l'opposite, quelque conseiller sage et pru-
dent, comme estoit cét Elma qui replique à
Raguzel, et qui attire le roy, et les autres à
son auis; puis-qu'il paroist par l'éuénement,
que la meilleure opinion fut suiuie. Que si dans
cette occurence, ie fais que Dieu prend la fou-
dre en main, pour punir les impiétez qui sor-
tent de la bouche du profane Raguzel; ie ne
crains pas d'estre accusé de trop de rigueur, si
ce n'est, peut-estre, par ceux qui concluënt
toûjours à l'impunité des plus grans crimes,
et qui voudroient, comme de nouueaux
Origénes, sauuer Satan et ses suppots, s'il
estoit possible. Aprés-tout, ie n'ay pas creû
que Raguzel deust auoir vn meilleur sort que
Capanee, ni que celuy qui vomit des blas-
phémes, contre le vray Dieu, pust éuiter des
coups qui ont éclaté sur la teste d'vn homme
qui n'outrageoit que des diuinitez fabuleuses.
Ie l'ay jugé plus digne des foudres de la justice
de nostre seigneur, que des rayons de sa mise-
ricorde; et ceux qui sauent que Dieu joint or-
dinairement les effets de ces deux vertus, pour
opérer la conuersion des hommes, ne trouue-
ront pas à dire cét impie, dans la foule de ceux
qui jeûnent et qui se repentent. En-tout-cas,
il faut que ceux qui sont si excessiuement en-
clins à la misericorde, se contentent de la grace
que ie fais à la belle Adine, et il leur doit suffire
que pouuant condamner, et faire mourir la
soeur tout-de-mesme que le frére, i'ay mieux-
aymé qu'elle se conuertist, et qu'elle vescust.
Ie pourrois faire voir qu'en tout ce que i'ay
inuenté, ie n'ay pas pris plus de liberté que
Iosephe et Philon-Iuif en ont pris, en rappor-
tant certaines histoires de la bible, ausquelles
ils ajoûtent des circonstances dont Moyse, ni
les autres prophétes ne parlent point. Mais,
sans recourir à l'exemple des historiens, aus-
quels, toutefois, il semble que les régles de leur
art retranchent toute sorte de licence; il me
suffit que i'ay esté plus sobre et plus modéré
dans mes inuentions, que des poëtes fort cé-
lébres ne l'ont esté dans les leurs. En effet, le
grand Heinsivs, dans son Herodes-In-
fanticida; Sannazar dans son poëme
de la vierge; Dv Bartas, dans sa semaine,
et dans ses autres poësies sacrées; tous ces ex-
cellens auteurs, dis-je, et tant d'autres qu'il n'est
pas nécessaire de nommer, n'ont-ils pas éten-
du le priuilége de la poësie, plus que ie n'ay
fait? Et ne se sont-ils pas permis des choses
tout autrement licencieuses que les libertez que
ie me donne?

En voila assez, et, peut-estre, trop, pour
justifier l'innocence de mes inuentions; aprés-
quoy, il semble que ie serois obligé de rendre
raison de toutes les autres parties de mon
poëme, et de parler de la disposition que ie luy
ay donnée, du style dont ie me suis seruy, de
la maniére dont i'ay fait mes vers; et de mon-
trer, qu'en tout cela, i'ay suiuy les préceptes
des maistres de l'art. Mais, outre que ie me
dois souuenir, que ie fais vne préface, et non
pas vn liure, ie dois considérer, d'ailleurs,
que ie mets en pratique vn art dont le plus
grand secret est vn apannage de la nature; et
dont les régles ne sont pas si certaines qu'on
diroit-bien; de-sorte que quand j'aurois fait
voir que i'ay suiuy le chemin d'Aristote,
et que ie n'ay fait aucun pas, sans les adresses
de sa poëtique, il se rencontreroit toûjours
quelque Castelvetro, qui me soûtien-
droit, que ie me suis égaré, parce que i'ay pris
vn mauuais guide.

Cela estant, ie me contenteray de dire, qu'en
faisant la distribution des parties de mon ou-
urage, i'ay meslé dans mon discours, quelques
episodes, dont ie ne prétens pas autoriser l'v-
sage, par l'exemple des faiseurs de romans
(quelque ressemblance que le roman ait auec
le poëme epique: ) mais, par l'exemple mesme
de Virgile qui en a remply des liures entiers,
dans son eneïde, et qui a mis dans la bouche
d'Enée, vn récit de ses auentures, et des mal-
heurs de Troye, beaucoup plus long que celuy
que ie fais faire à Aman, des actions d'Elie et
d'Elisée. Si l'on examine bien ces deux epi-
sodes, on trouuera qu'ils sont assez bien atta-
chez à l'histoire de Ionas, par les liens naturels
du vray-semblable, et mesme du véritable et
du necessaire; et l'on m'auoûëra que i'ay eû
grand sujet de dire ce que l'ecriture sainte m'a-
uoit appris d'Elie et d'Elisée, en prenant pour
sujet la vie d'vn prophéte qui auoit esté ressus-
cité par l'vn, et éleué sous la discipline de l'au-
tre. L'importance est, que i'ay eû soin de pla-
cer quelques auentures qui regardent le princi-
pal sujet de mon poëme entre les deux récits
des actions de ces deux prophétes, pour les em-
pescher d'estre ennuyeux; car bien que ie les
aye rendus les plus merueilleux, et les plus di-
uertissans qu'il m'a esté possible, ils auroient
peut-estre, paru languissans, parce qu'ils eussent
esté trop longs et trop étendus, si ie n'en eusse
fait qu'vn seul episode, et que ie n'eusse point
diuersifié la narration, par des intermédes
également surprenans et agréables.

Quant aux histoires du deluge et de l'em-
brasement de Sodome, que ie fais entrer dans
la prédication que Ionas prononça deuant le
peuple de Niniue, ie croy qu'on m'auouëra,
qu'il ne pouuoit faire craindre le jugement de
Dieu, à des peuples payens, par des incidens
qui fussent plus terribles ni plus capables de
toucher leur esprit; puisque ce sont des véritez
qui n'ont pas esté ignorées des nations les
plus éloignées de la connoissance du vray
dieu, et qu'il en reste encore aujourd'huy des

pXXIX

monumens dans les liures de leurs historiens,
et de leurs poëtes, comme dans les ecrits des
prophétes de la Iudée, et des docteurs de la
loy. Il me semble aussi, que les exemples
de Nemrot et de Sardanapale, qui entrent
dans le discours que Ionas fait au roy de Ni-
niue, sont assez propres pour l'humilier: et
les tableaux des monarques d'Assyrie, dont
i'ay eû soin de parer la sale où ce roy veut
oüir Ionas, sont si conuenables au discours
du prophéte, et si dignes du dessein d'vn
poëte héroïque, que ie serois bien marry de
n'auoir pas trouué des traits et des couleurs
pour les former. Ie ne le serois guéres moins,
d'auoir manqué d'art et de matiére pour le
temple de Bélus, que ie ne luy éléue dans le
dernier liure, que pour le consacrer au vray
dieu, et pour en faire vn lieu saint, où le
roy de Niniue puisse célébrer le jeûne.
Ce n'est pas que ie ne sache, que ce fameux
temple de Bélus, dont parle l'histoire, estoit
dans Babylone; mais outre qu'il est vray-sem-
blable que Ninus luy auoit basty dans Niniue
vn temple aussi riche et aussi magnifique, que
celuy que ie décris; i'estime, d'ailleurs, que
les régles de mon art, me permettent de faire
ce que i'ay fait; et si vn auteur allégué par
Suidas, a entrepris de transformer Niniue en
Babylone, pourquoy n'auray-je pas osé trans-
porter vn seul edifice de l'vne dans l'autre?
La poësie fait bien d'autres miracles, dont
l'histoire ne se mesla iamais, et la seule ren-
contre d'Enée et de Didon, dont l'vn viuoit
trois ou quatre cens ans auant la naissance de
l'autre, fait voir que les poëtes ne sont escla-
ues ni des temps, ni des lieux, et que i'ay eû
pour le moins autant de jurisdiction sur le
temple d'vn faux-dieu, que Virgile en a vou-
lu prendre sur le siécle d'vn régne historique et
véritable.

En décriuant l'arbuste que l'histoire de Io-

pXXX

nas appelle kikajon, et que Dieu fit naistre et
mourir en si peu de temps, pour luy faire ap-
prouuer la conseruation de Niniue; je dis la
chose, sans spécifier le nom. Ce n'est pas que
ie n'eusse pû l'appeler courge si j'eusse voulu
m'attacher à la traduction des septante; ou
lierre, si j'eusse voulu croire Aquila, et quel-
ques autres interprétes grecs, dont l'exposi-
tion ayant esté suiuie par Saint Hierôme, obli-
gea plusieurs docteurs de son siécle, et Saint
Augustin mesme, de l'en censurer; et qui
m'eust empéché encore de l'appeler ricinus,
ou croton, ou cici, si j'eusse voulu suiure l'o-
pinion de quelques modernes; mais ie n'ay
pas creû que ie deûsse ou m'exposer à la censu-
re pour si peu de chose, ou prendre party dans
vne affaire si douteuse; et toutefois, dans la
neutralité que i'ay gardée, ie n'ay pas voulu
défigurer mes vers par ce mot de kikajon,
j'ay mieux aimé, pour éuiter plus d'vn incon-
uénient, exprimer cette plante par le nom gé-
néral d'arbrisseau, et quand j'aurois esté aussi
grand herboriste que Dioscoride, et que Ma-
theole, ie n'aurois iamais entrepris d'en parti-
culariser l'espéce.

Pour ce qui est du stile et de l'élocution de
mon poëme, ie diray, en prémier lieu, que
bien que ie n'aye pas dédaigné l'vsage de quel-
ques vieux mots qu'on employe dans la poë-
sie héroïque, pour donner de la force et de la
majesté à l'expression, j'ay creû, neantmoins,
que j'en deuois estre meilleur ménager que
quelques ecriuains, qui en ont fait des profu-
sions, qui les ont employez en tout-temps, et
en toutes-sortes de rencontres; et qui ont esté
prodigues d'vn bien dont il faut vser auec é-
pargne, et dont il n'est pas seulement permis
d'estre libéral. I'honore le mérite, j'estime le
sauoir, et l'esprit de ceux qui en ont vsé de la
sorte; mais ils me permettront de dire, que
l'vsage trop-fréquent de ces vieux termes, est

pXXXI

incommode, et qu'il ne blesse guére moins les
oreilles dans vn poëme, où la politesse paroist
d'ailleurs, qu'vne longue suite de chaises et de
bancs à l'antique, choqueroit les yeux dans
vne sale parée de quantité de beaux meubles à
la mode. Ie confesseray icy, sans vouloir
trop faire le délicat, que j'ay eû beaucoup de
peine à m'accommoder auec le mot de maint
et ie me suis confirmé dans cette délicatesse,
aprés auoir remarqué que M D V et M C
dont le stile est si fort et si héroïque, ne l'em-
ployent que rarement dans leurs poëmes; ie
m'en suis pourtant seruy en quelque endroit,
à leur exemple, pour ne me pas broüiller auec
la coustume, et mesme ie commence à n'auoir
plus de dégout pour ce pauure mot, depuis
qu'vne personne qui connoist parfaitement le
prix des mots et des choses, m'a fait connoî-
tre qu'il le falloit soûtenir, et l'employer dans
les ouurages de longue-haléne, à-cause de la
commodité d'auoir vn monosyllabe qui mar-
que pluralité, et qu'ainsi quelque vieux qu'il
soit, tous ceux qui font des poëmes héroï-
ques, ont grand intérest d'empécher qu'il ne
meure. Que si i'ay banny de mon poëme
quelques mots qui semblent moins vieux que
celuy de maint, comme bref, pour, enfin, de-
rechef, pour, de-nouueau, deuis, pour entre-
tien, etc. Et les mots de dedans, dessous, des-
sus, pour, dans, sous, sur; je l'ay fait encore,
par l'auis de cet excellent homme; de qui j'ay
appris, à l'égard de ces trois derniers mots,
que c'est vne régle parmy ceux qui écriuent
bien en vers et en prose, de ne mettre iamais
dedans, dessous, dessus, que quand la chose a
laquelle ils ont relation a esté nommée aupa-
rauant, car lors qu'elle n'est nommée qu'a-
prés, il faut toûjours mettre dans, sous, sur.
Que si quelques auteurs n'obseruent pas cette
régle, et les autres de mesme nature, c'est par
vne licence paresseuse, plûtost que poëtique,
en-quoy ils doiuent estre condamnez, plûtost
qu'imitez.

I'ajoûteray, sur le sujet de mon stile, que
j'ay tâché de l'abaisser et de l'éleuer, selon que
ma matiére le demandoit, et que j'ay préten-
du tirer de cette diuersité le mesme auantage
que les peintres tirent du diuers vsage des om-
bres et des couleurs. C'est pour cette raison
que i'ay préféré, en quelques endroits, la dou-
ceur et la clarté, à la force et à l'éclat des ex-
pressions; en-quoy, toutefois, il me semble
que i'ay gardé le tempérament qui s'éloigne
de la bassesse, et de la trop grande éléuation;
et ie croy que comme ie ne me suis point laissé
tomber dans la bouë, ie ne me suis point aussi
laissé emporter dans les nuës. I'ay voulu en-
core m'exprimer sans fard, quoy que j'aye
trauaillé à le faire auec ornement, et ie ne me
suis pas tant attaché à foüiller dans mon ima-
gination, pour en tirer des traits subtils, et des
pointes recherchées, que ie me suis étudié à
consulter mon jugement, pour luy faire pro-
duire des pensées raisonnables et naturelles.
Que s'il m'est échapé quelques-vns de ces traits
trop guindez, et trop pointus, ie ne doute
point que la plus-part de mes lecteurs ne les
ayment, et peut-estre mesme que les plus séué-
res me les pardonneront, aprés auoir considé-
ré, que ma plume ne prend guéres-souuent l'es-
sor pour faire de pareils excés, et que mon
ouurage a fort-peu d'endroits qui sentent le
sublime démesuré de Stace, ou le brillant af-
fecté de Lucain.

Pour dire vn mot de ma versification, i'ay
tâché de faire des vers qui fussent doux, sans
estre lâches, et qui eussent de la force, sans auoir
de la rudesse. Cette rudesse est si ennemie des
oreilles délicates, que ceux qui la souffrent
dans la poësie latine, ne peuuent l'excuser
dans la poësie françoise: et ie ne m'en étonne
pas sachant qu'on ne peut trouuer rien de
mauuais d'vne langue dont l'empire est éta-
bly par la raison, et par le consentement de
tous les peuples; au-lieu qu'on est choqué des
moindres taches d'vne langue qui est obligée
de suiure les loix de l'vsage, et qui ne peut fai-
re receuoir ses expressions, qu'auec le congé de
la meilleure partie du peuple, et sous le bon-
plaisir de la plus saine partie de la cour. Il se
peut faire encore, que quelques vers latins,
qui paroissent rudes aux habitans de Paris, ne
l'estoient pas aux citoyens de l'ancienne Ro-
me, qui auoient peut-estre moins de délicates-
se que nous, en matiére de prononciation; de
sorte qu'il n'est point permis à vn bon poëte
françois de faire des vers rudes en sa langue,
sous prétexte que Virgile en a fait en la sienne
quelques-vns qui ne nous semblent pas doux.
Et cet exemple ne me fera iamais approuuer la
rudesse presque générale des vers du Cardinal
Du Perron, ni ne m'empeschera pas d'admirer
la douceur perpétuelle de ceux de Malherbe.
I'ay éuité, pour cette mesme raison, les
enjambemens d'vn vers sur vn autre, dont la
poësie latine fait vne de ses principales graces.
Le soin que i'ay pris en cela, ne peut passer
pour vne contrainte trop scrupuleuse, dans l'es-
prit de ceux qui sauent que la plus-part des
choses qui ont fort bonne grace dans vn poë-
me latin, sont ridicules dans vn poëme fran-
çois, et sont plûtost des fautes que des orne-
mens. D'ailleurs, la rime faisant vne des gran-
des beautez de nos vers, n'est-ce pas en oster
la grace, que de faire passer le lecteur, du pré-
mier vers à la moitié du second, pour trouuer
le sens qu'il cherche, sans luy permettre de
s'arrester aux rimes, et sans luy donner le loisir
de les remarquer? Il me semble que c'est fort
négliger la satisfaction de ceux à qui l'on a
dessein de plaire. Et ie ne puis comprendre à
quel dessein quelques-vns se donnent la liberté
de faire de ces sortes d'enjambemens. Pour
moy, ie déclare que ie serois fort contraint,
s'il falloit que ie disposasse mes vers comme
Ronsard a fait ceux-cy de la franciade, où il
décrit un geant fort bien monté.

v qui pour d'estrier pressoit la forte eschine
d'vne cauale; elle auoit la poitrine
blanche, et le front, le reste de la peau,
hors le pied-gauche, estoit de poil moreau. v
ou comme Du Bartas a fait ces autres-cy; où il
représente le vent qui soufle.

v qui meine deuant soy le troupeau mugissant,
des flots persement blancs, les nuës vont croissant
des mers la douce mer, etc. v


si j'osois parler de mes comparaisons, ie di-
rois, qu'elles me paroissent assez justes et assez
bien appliquées, et pour exprimer beaucoup
en peu de mots, qu'elles ont esté assez heureu-
ses, pour ne pas déplaire à vn des plus délicats
esprits de nostre temps, qui m'a assuré qu'el-
les estoient vn des principaux ornemens de
mon poëme. Aprés cela, ie ne dois pas me
mettre en peine de ce qu'en dira vn poëte pro-
uincial, que ie ne veux pas nommer. Celuy-cy
par ie ne say quelle fantaisie, n'ayme que les
comparaisons qui sont prises des auentures fa-
buleuses des poëtes payens, et il croit qu'on
n'en peut faire que de fort plates, (c'est ainsi
qu'il parle) sans le secours de la fable. Pour
moy, quand i'ay fait sortir Ionas du ventre de
la baleine, ie n'ay point veû dans la métamor-
phose d'Ouide de beste terrestre, ni aquatique,
à qui ie me creûsse obligé de la comparer.
Ie viens maintenant au sens allégorique que
ie donne à l'action, dont i'ay fait mon but
principal, et dont Niniue fut la fameuse scé-
ne. Les circonstances de l'histoire sainte
m'ont assisté si heureusement, dans cette allé-
gorie, qu'auec fort peu d'inuention de mon
costé, i'ay trouué tout ce que ie cherchois. Et
pour ne tenir plus le lecteur en suspens, i'ay
prétendu que Niniue représentast l'ame de

pXXXV

l'homme, corrompuë par le péché; son peu-
ple la foule des passions, qui troublent et qui
agitent l'ame; son roy, la volonté esclaue du
vice, qui souffre et autorise le déréglement des
passions; Adine, amante du roy, la volup-
té, dont les charmes sont assez puissans pour
retenir la volonté dans les liens de sa corrup-
tion naturelle; Raguzel, frere d'Adine, le sens
qui porte l'ame à douter de la prouidence de
Dieu, et qui luy veut oster la crainte de sa iusti-
ce; Elma, la raison, qui combat le iugement gros-
sier et téméraire du sens, qui éclaire, instruit,
et fortifie la volonté; et Ionas, la loy de Dieu,
qui est la terreur de l'ame corrompuë, le frain
de ses passions, le flambeau qui excite l'appré-
hension des iugemens diuins dans la volonté,
en y portant la connoissance du péché, et par
le secours de la raison, qui est d'accord auec
ses oracles, détruit les erreurs du sens, fait
rejetter à la volonté éclairée, les charmes de la
volupté, et la soumettant à l'obéissance de
nostre seigneur, la met en état d'exercer vn
juste empire, sur les passions qui luy obeïssent,
et qui l'imite dans la soumission qu'elle rend à
l'auteur de la nature, et au souuerain maître
de l'vniuers.

Aprés auoir rendu raison des plus considéra-
bles parties de mon poëme (car pouuois-je
parler de toutes, sans ennuyer mes lecteurs) ie
confesseray franchement, que i'ay pris beaucoup
de peine, et employé beaucoup de temps, pour
obseruer les régles que les maîtres de l'art
m'ont prescrites, ou que ie me suis fait moy-
mesme volontairement. Cette confession sem-
blera d'abord des-auantageuse à vn homme
qui donne vn ouurage imparfait comme le
mien; mais ie la tiens préférable à la vanité
qu'vn poëte se donneroit d'auoir commencé
et acheué, en moins d'vne année, vn poëme
epique. Car quel moyen de suffire, en si peu
de temps, à l'exécution d'vn projet où il faut
payer de tant d'adresse et de tant de courage,
déployer tant de force, et tant de beauté, faire
joüer tant de ressors, et tant de machines, que
Virgile a employé plus de douze ans à faire son
eneïde, et que M C n'en a employé guéres-
moins de vingt à composer sa p. Pour moy,
quoy que ie conçoiue auec assez de facilité, et
que j'enfante sans beaucoup de tranchées, ie
ne laisse pas de reconnoistre que mon esprit va
fort lentement; en comparaison du soleil, et
ie croy que i'employe plus de temps à produire
mon cuiure, et mon verre, qu'il n'en met à
former son or, et ses diamans.

Auec toute cette précaution, et tous ces soins,
ie crains-bien que la critique d'vne infinité de
gens ne soit pas fauorable à mon ouurage; et
comment le seroit-elle, en vn siécle où (s'il
m'est permis d'alléguer vne fable pour expri-
mer vne verité) il se trouue des personnes plus
insensibles que les arbres, et plus déraisonna-
bles que les animaux qui furent attirez par la
lyre d'Orphée, jentens, par ces insensibles,
et ces déraisonnables, ceux qui ne sont pas ra-
uis de la douceur et de la beauté du Saint P de
M De V? Nostre siécle ne porte-t-il pas aussi
des censeurs aussi pointilleux, et aussi mal-fon-
dez que ceux qui ont attaqué la Ierusalem du
Tasse, ou que ceux qui n'ont pas respecté l'e-
neïde de Virgile? I'entens, par ces derniers,
ceux qui trouuent à redire dans la p. De M C
et qui n'admirent pas, par-tout, vn si bel ou-
urage. Quelle apparence qu'ils épargnent mon
pauure Ionas, batu de la tempeste, et tout-de-
goutant encore de l'eau de la mer, aprés le
mauuais traittement qu'ont receû de certaines
gens vn si saint héros, et vne si excellente hé-
roïne? Aussi, apres ces exemples, ie ne croirois
iamais, que mon Ionas pust trouuer aucune
faueur parmy les hommes, si ie ne sauois que
leurs gouts et leurs appetits sont si différens,
qu'il n'est pas possible que quelques-vns n'ap-
prouuent ce que les autres condamneront. Cet-
te diuersité d'esprits et d'humeurs qui fait que
les plus excellens poëmes sont quelquefois
maltraittez injustement, est cause, aussi, bien-
souuent, que les plus médiocres, comme le
mien, trouuent des approbateurs de leur peu
de mérite, et des défenseurs mesme de leurs
fautes.

Pour moy, qui ne suis pas, par la grace de
dieu, assez injuste, ni assez présomptueux,
pour vouloir qu'on trouue belles mes rides et
mes taches, ie me contenteray qu'on supporte
les manquemens où ie suis tombé, par infirmité,
plûtost que par dessein, et que l'on considére
que i'ay trauaillé auec assez de soin à la com-
position des principales parties de mon ou-
urage, pour mériter qu'on m'excuse, si ie me
suis endormy en quelques endroits moins im-
portans. I'ay oüy-dire, que s'il n'est permis d'en
vser de la sorte, en vne piece de si longue-halé-
ne, il est du moins excusable; et que si c'estoit
vne faute irrémissible, ceux qui font aujour-
d'huy des poëmes epiques, seroient bien mi-
serables de n'auoir pas la liberté de sommeiller
quelquefois dans leurs ouurages, à l'exemple
du bon Homere.

C'est sur ce fondement que Ionas se hazarde
de paroître sur vn theatre aussi perilleux que
la mer sur laquelle il s'embarqua; trop heureux
si les censeurs qu'il rencontrera, ne luy sont pas
plus rudes que les matelots qui ne pouuoient
se resoudre à le jetter dans la mer; et si la cri-
tique, qui n'aura que trop de prise sur luy pour
l'engloûtir, se laisse toucher à la priere que ie
luy fais, de le rendre, enfin, sur le riuage!
Pourueû que cela soit, il sera suiuy d'vn autre
poëme, qui a quelque chose de plus grand, de
plus fort, et de plus heroïque. C'est le Dauid,
auquel ie trauaille depuis vn an, et dont j'ay
déja fait les six premiers liures. I'espere que
ce dernier aydera à releuer vn-peu la reputa-
tion de l'auteur, que les defauts et les foibles-
ses du premier pourroient auoir abaissée. De
grace, qu'on supporte l'aisné, en faueur du
cadet, qui vaudra mieux que luy, et qu'on
se souuienne, que ie donne Ionas comme mon
coup-d'essay, et que ie promets Dauid comme
mon chef-d'oeuure.

extrait du priuilege du roy.
par grace et priuilege du roy, donné à
Paris le 9 Nouembre 1662 il est permis
à Charles Angot marchand li-
braire à Paris, d'imprimer ou faire impri-
mer, en telle volume que bon luy sem-
blera, vn liure intitulé, Ionas, ou Niniue pe-
nitente, poëme sacré, composé par Monsieur
De Coras: et ce durant le temps et es-
pace de sept ans entiers, à compter du iour
qu'il sera acheué d'imprimer; et deffences
sont faites à tous libraires, imprimeurs, et
autres, d'imprimer ledit liure, ni d'en ven-
dre de contre-faits, sur les peines portées
par ledit priuilege, et de tous depens, dom-
mages et interests. Acheué d'imprimer le
9 Février 1663.

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J'adore les longs silences, je m'entends rêver...  
James
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