Fabliau
L'autre jour, dans le parc insigne
Que j'ai près de Kor-el-Fantin,
J'errais sous la palme et la vigne
Moites des perles du matin.
Croyant ma paresse isolée,
Je flânais sans hâte et sans but;
Soudain, au détour d'une allée
Un couple étrange m'apparut.
C'était une très jeune fille
Au regard rieur et taquin,
Penchée au long de la charmille
Avec une paille à la main.
L'autre était un escargot morne
Qui de son heaume ténébreux,
Faisait saillir sa double corne
En un effort aventureux.
La larve étirait ses antennes
Comme après un pesant sommeil,
Vers les atmosphères lointaines,
Vers l'inconnu, vers le soleil.
À tâtons, d'aurore grisée,
Folle d'un espoir glorieux,
Elle aspirait à la rosée
Et scrutait l'infini des cieux.
Elle allait aimer, être libre!...
Mais le petit monstre têtu,
L'enfant, sans broncher d'une fibre,
La piquait avec son fétu.
Et la malheureuse limace,
Étreinte d'un effroi subit,
Rentrait vite en sa carapace
Et se renfrognait dans sa nuit.
Moi, je songeais sous la tonnelle
Que, par votre dédain moqueur,
Ainsi vous avez fait, cruelle,
Se recroqueviller mon coeur.