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 Antoine De La Fosse (1653-1708) ACTE 1 SCENE 1

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Antoine De La Fosse (1653-1708)  ACTE 1 SCENE 1 Empty
MessageSujet: Antoine De La Fosse (1653-1708) ACTE 1 SCENE 1   Antoine De La Fosse (1653-1708)  ACTE 1 SCENE 1 Icon_minitimeMer 1 Aoû - 15:25

ACTE 1 SCENE 1



La scéne est a Rome, dans la maison de Manlius, située sur le Capitole.


Manlius, Albin.

Manlius.
D' un tel secret, Albin, tu connois l' importance,
et ton zele éprouvé me répond du silence.
Mon courroux à tes yeux peut, sans crainte, éclater.
Justes dieux ! Quand viendra le tems d' éxécuter ?
Quand pourray-je à la fois punir tant d' injustices,
dont ces tyrans de Rome ont payé mes services ?
Ouy, je rends grace, Albin, à leur inimitié,
qui, me débarassant d' une vaine pitié,
fait que de ma grandeur sur leur perte fondée,
sans scrupule, aujourd' huy j' envisage l' idée.
Car enfin dans mes voeux tant de fois démenti,
quand du peuple contre eux j' embrassay le parti,
je voulois seulement, leur montrant ma puissance,
à me mieux ménager contraindre leur prudence.
Mais aprés les affronts, dont ils m' ont fait rougir,
ma fureur ne sçauroit trop tôt, ni trop agir.
Je veux leur faire voir, par un éclat terrible,
à quel point Manlius au mépris est sensible ;
combien il importoit de ne rien épargner,
ou pour me perdre, Albin, ou bien pour me gagner.

Albin.
Ouy, seigneur ; mais enfin, quelque ardeur qui vous guide,
un peuple variable, incertain, et timide,
dont le zele d' abord ardent, impétueux,
prête à ses protecteurs un appuy fastueux,
et qui dans le péril tremble, et les abandonne,
est-il un seur garant de l' espoir qu' il vous donne ?
Vous-même, qui deviez, par cent et cent bienfaits,
le croire à vôtre sort attaché pour jamais,
lorsque d' un dictateur l' injuste tyrannie
vous fit d' une prison subir l' ignominie
tout ce peuple, seigneur, pour vous-même assemblé,
de frayeur à sa voix ne fut-il pas troublé ?
Qui d' eux tous entreprit alors de vous défendre ?

Manlius.
Ils ont forcé du moins le sénat à me rendre,
leur repentir accroît leur zele, et mon espoir.
Mes fers par eux brisez leur montrent leur pouvoir,
et que, pour abolir une injuste puissance,
tout le succés dépend de leur perseverance.
Car enfin des efforts qu' ils ont faits jusqu' icy,
souvent même sans chefs, combien ont réussy ?
Ils ont fait des tribuns, dont l' appuy salutaire
à l' orgueil des consuls est un frein necessaire,
aux plus nobles emplois on les voit apellez,
les plus fiers des romains par eux sont éxilez,
ils ont forcé les grands, en leur donnant leurs filles,
à souffrir avec eux l' union des familles,
ils se font partager les terres des vaincus.
Et que faut-il, Albin, pour les faire oser plus ?
Que leur montrer un chef dont les soins, le courage
soûtiennent les efforts où l' ardeur les engage ?

Albin.
C' est donc sur cet espoir, seigneur, qu' à haute voix,
par tout des sénateurs vous décriez les loix ?
Quoy ! Ne craignez-vous point qu' une audace si fiére
ne puisse à leurs soupçons donner trop de lumiére ?

Manlius.
Non, Albin, leur orgueil qui me brave toûjours,
croit que tout mon dépit s' exhale en vains discours.
Ils connoissent trop bien Manlius inflexible.
Ils me soupçonneroient, à me voir plus paisible.
En me déguisant moins, je les trompe bien mieux.
Sous mon audace, Albin, je me cache à leurs yeux,
et préparant contre eux tout ce qu' ils doivent craindre,
j' ay même le plaisir de ne me pas contraindre.

Albin.
Je ne vous dis plus rien. Vous avez tout prévû.
Je croy qu' à tout aussi vos soins auront pourvû.
Quels présages heureux pour un dessein si juste !
Cet ecueil des gaulois, ce Capitole auguste,
l' azile de nos dieux, le salut des romains,
vous-même y commandez, son sort est en vos mains.
Et que n' esperer pas du courage et du zele
de tant d' amis, armez pour la même querelle ?
De Rutile, sur tout, ce guerrier généreux,
qui pressé des arrests d' un sénat rigoureux,
eut, sans vos prompts secours, sans vos soins salutaires
fini dans les prisons sa vie et ses miseres.
Et quel bonheur encor, que, sans être attendu,
Servilius hier se soit icy rendu ?
Des devoirs d' un amy qu' avec zele il s' acquite ?
à peine, loin de Rome, il aprend dans sa fuite
du sénat contre vous l' arrest injurieux,
que, pour vous secourir, il revient en ces lieux.
En vain l' amour, l' effroy, les pleurs de Valerie
à son pere par luy si hautement ravie,
en vain tous ses amis ont voulu l' arrêter.
Et quels transports de joye a-t' il fait éclater
lorsqu' en vous embrassant, il s' est vû hors d' allarmes !
Que pour luy vos desseins doivent avoir de charmes !

Manlius.
Il n' en sçait rien encor, et je voulois, Albin,
sans témoin, avec luy m' en ouvrir ce matin:
mais l' aurois-tu pensé ? La triste Valerie
tremblante pour ses jours, et sur ses pas partie,
est dans Rome en secret entrée heureusement,
et chez moy, pour le joindre, arrive en ce moment.
Mais je vais au plûtôt, pour cette confidence...


Albin.
Quelqu' un vient.
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