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 Antoine De La Fosse (1653-1708) ACTE 3 SCENE 5

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MessageSujet: Antoine De La Fosse (1653-1708) ACTE 3 SCENE 5   Antoine De La Fosse (1653-1708)  ACTE 3 SCENE 5 Icon_minitimeMer 1 Aoû - 15:56

ACTE 3 SCENE 5

Rutile, Manlius, Servilius.

Rutile. à part.
Je vois Manlius avec luy,
c' est ce que je souhaite. Eprouvons son courage.

Manlius.
Quelle joye à nos yeux marque vôtre visage,
seigneur ? De nos amis que faut-il esperer ?

Rutile.
Tout, seigneur. Avec nous tout semble conspirer ;
à l' effet de nos voeux il n' est plus de remise.
En arrivant chez moy, quelle heureuse surprise !
J' ay trouvé ceux du peuple à qui de nos projets
je puis en seureté confier les secrets :
eux-mêmes ils venoient, au bruit du sacrifice,
m' avertir qu' il falloit saisir ce tems propice.
Tout transporté de joye, à voir qu' en ces besoins,
leur zele impatient eût prévenu mes soins ;
ouy, chers amis, leur dis-je, oui troupe magnanime,
le destin va remplir l' espoir qui vous anime.
Tout est prêt pour demain, et, selon nos souhaits,
demain le consulat est éteint pour jamais.
De nos predecesseurs quelle fut l' imprudence,
qui détruisant d' un roy la suprême puissance,
sous un nom moins pompeux se sont fait deux tyrans,
qui, pour nous accabler, sont changez tous les ans,
et qui tous, l' un de l' autre, héritans de leurs haines,
s' appliquent tour à tour à resserrer nos chaînes.
Tels et d' autres discours redoublant leur fureur,
je croy devoir alors leur ouvrir tout mon coeur,
leur marquer nos apprêts, nos divers stratagêmes,
appuyez en secret par des senateurs mêmes ;
ce que devoient dans Rome éxécuter leurs bras,
tandis qu' au capitole agiroient vos soldats ;
les postes à surprendre, et d' autres qu' on nous livre,
les forces qu' on aura, les chefs qu' il faudra suivre,
en quels endroits se joindre, en quels se séparer,
tous ceux dont par le fer on doit se délivrer,
les maisons des proscrits, que, sur nôtre passage,
nous livrerons d' abord à la flâme, au pillage.
Qu' une pitié sur tout, indigne de leur coeur,
à nos tyrans détruits ne laisse aucun vangeur.
Femmes, peres, enfans, tous ont part à leurs crimes.
Tous sont de nos fureurs les objets legitimes.
Tous doivent... mais, seigneur, d' où vient qu' à ce récit
vôtre visage change, et votre coeur fremit ?

Servilius.
Ouy. Si prés d' accomplir nostre grande entreprise,
je frémis à vos yeux de joye et de surprise,
et mon coeur moins émû, ne croiroit pas, seigneur,
sentir, autant qu' il doit, un si rare bon-heur.

Rutile.
Excusez mon erreur, et m' écoutez. J' ajoûte.
Ils n' ont de nos desseins ny lumiere, ny doute.
Il faut qu' en ce repos, où s' endort leur orgueil,
la foudre les réveille au bord de leur cercueil.
Et lors qu' à nos regards les feux, et le carnage,
de nos fureurs par tout étalleront l' ouvrage ;
du fruit de nos travaux tous ces palais formez,
par les feux dévorans pour jamais consumez ;
ces fameux tribunaux où regnoit l' insolence,
et baignez tant de fois des pleurs de l' innocence,
abbatus et brisez, sur la poussiere épars,
la terreur, et la mort, errant de toutes parts ;
les cris, les pleurs, enfin toute la violence,
où du soldat vainqueur s' emporte la licence ;
souvenons-nous, amis, dans ces momens cruels,
qu' on ne voit rien de pur chez les foibles mortels ;
que leurs plus beaux desseins ont des faces diverses,
et que l' on ne peut plus, aprés tant de traverses,
rendre, par d' autre voye, à l' etat agité
l' innocence, la paix, enfin la liberté.
Chacun, à ce discours, qui flate son audace,
sur son espoir prochain, s' applaudit et s' embrasse.
Chacun, par mille voeux, en hâte les momens,
et pour vous à l' envy fait de nouveaux sermens.

Manlius.
Ainsi donc à nos voeux la fortune propice,
a conduit nos tyrans au bord du précipice :
et je n' ay plus qu' un jour à souffrir leurs mépris.
Mais quel effort, seigneur, quel assez digne prix
m' acquitant à vos soins...

Rutile.
Je ne puis vous le taire,
il est une faveur, que vous pourriez me faire :
mais cet ami veut bien que, sur mes interêts,
je n' explique qu' à vous mes sentimens secrets.

Servilius.
Je vous laisse, seigneur.
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Antoine De La Fosse (1653-1708) ACTE 3 SCENE 5
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