[Sur un carnet de Gérard de Nerval]
Il me semble que je suis mort et que j'accomplis cette deuxième vie de Dieu.
Que faut-il? se préparer à la vie future comme au sommeil. Il est encore temps.
- Il sera peut-être trop tard.
L'Ecriture dit qu'un repentir suffit pour être sauvé, mais il faut qu'il soit
sincère. Et si l'événement qui vous frappe empêche ce repentir? Et si l'on vous
met en état de fièvre, de folie? Si l'on vous bouche les portes de la
rédemption?
...
Il y en a qui tuent les lions, je les admire; mais j'aime mieux ceux qui les
domptent. - Les lions s'en vont, comme les rois et les forêts.
Le sang des anges rebelles, répandu sur la terre, est dans les boissons dont on
s'enivre.
Les bouteilles que tu vides, tu les remplis de ton esprit.
Le règne de Dieu est passé, il va renaître. - Le Christ c'est le second amour.
Vous êtes bien bêtes à Paris même les plus forts, - d'abord d'y rester: ensuite
de ne pas croire qu'on en sorte.
L'argent qu'on me donnait, je le donnais à d'autres: Je n'ai rien dans les
mains, - regardons dans les vôtres.
Les fleurs les plus belles ont perdu leur odeur: elles la retrouveront en
paradis. - Les plus laides brilleront d'un éclat singulier. - Les oiseaux - le
cygne et le paon - chanteront délicieusement.
Toutes les fois que tu fais quelque chose de bien, selon ta conscience, tu
prolonges ton bail et tu reprends quelque chose du passé.
On ne vous demande plus de macérations: c'était bon au moyen âge... La chair
renaît - Cette grande débauche qu'en avaient faite les Romains s'est réparée...
Les grandes idées ne viennent pas du mauvais esprit.
L'argent du diable bien employé devient l'argent de Dieu.
Il te faut une femme de race pour faire des enfants. - Mais où est le signe de
la race? - Cherche-moi une bonne femme que je l'aime.
Le père qui produit au monde une race malsaine et misérable renaît dans ces
malheureux qu'il est forcé d'assister.
Il y a toujours quelqu'un au-dessus de vous, quand ce ne serait que votre mère.
Ce que c'est que les choses déplacées! - on ne me trouve pas fou en Allemagne.
Ce n'est que par la conscience qu'il faut évoquer les morts. - Leur vue est
toujours triste et redoutable, car ils souffrent de nos fautes.
Nous sommes tous parents de Dieu, et la terre a besoin qu'aucun de nous ne
souffre: car ce sont les imprécations des malheureux qui s'amassent et causent
les désastres.
N'en pas vouloir à ceux à qui on doit des obligations. - Songe que l'oeuvre de
Dieu n'est pas parfaite.
Chassons les mauvaises pensées; chassons nous-mêmes les démons. Puisqu'il n'y a
plus de saints ni même d'inquisition, soyons-les à nous-mêmes.
S'accommoder de la marotte d'un fou, c'est prudent en certain temps.
Si tu es sage, ne le dis pas et n'en montre pas les raisons, car on dira que tu
veux tromper.
Il ne faut pas dire que tu portes bonheur car à tous les maux on t'accusera.
Les bons nous soutiennent mais doutent. - Les satans veulent nous entraîner car
ils ont besoin de grossir leur révolte. Ils espèrent se sauver à nos dépens.
Les frères de Jésus-Christ l'ont condamné à mort. - Ses apôtres l'ont renié:
aucun ne s'est fait tuer pour lui... qu'après. - Ils doutaient tous.
Le geôlier est une autre sorte de captif. - Le geôlier est-il jaloux des rêves
de son prisonnier?
C'est une erreur de croire que la présence seule prouve l'amitié. En amitié,
comme en amour, il faut liberté et confiance. - Les bêtes s'aiment de près, les
esprits s'aiment de loin.
Gens de premier mouvement dont le second est mauvais, que la réflexion glace
sous prétexte d'expérience et de déception... J'aime mieux les autres.
J'ai toujours distingué deux sortes d'amis: ceux qui exigent des preuves et ceux
qui n'en exigent pas. - Les uns m'aiment pour moi-même et les autres pour eux. -
Tous deux ont raison mais je n'ai pas tort.
L'enfant qui naît voleur, gourmand, ingrat, est sorti des bêtes et peut monter.
Celui qui naît bon, affectueux, est sorti des anges mais il peut devenir démon.
Tout est dans la fin.