III
La tempête fait rage et fouette les vagues, et les flots, écumant de fureur,
s'irritent et se cabrent, et il se forme une blanche montagne liquide; le petit
navire l'escalade d'un bond vigoureux, et il retombe tout à coup dans l'abîme
sombre et béant de la mer.
O mer! mère de la beauté, de Vénus sortie de ton sein couverte d'écume! Grand-
mère de l'amour! épargne-moi! Déjà volette, flairant les cadavres, la blanche et
fantasmatique mouette; elle aiguise son bec au grand mât, et convoite, affamée
de proie, ce cœur qui retentit de la gloire de ta fille, et que ton fripon de
petit-fils a choisit pour jouet.
Vainement je prie et j'implore! Mes cris se perdent dans le fracas de la
tempête, au milieu des assauts du vent. Cela bruit et siffle et hurle comme un
hôpital de fous philharmonique! Et à travers tout cela, je distingue les sons
enchanteurs d'une harpe, des chants langoureux qui charment et déchirent l'âme
et je reconnais la voix.
Au loin, sur les falaises d'Ecosse, à la fenêtre ogivale de ce petit château
gris qui domine la mer, se tient une belle et mélancolique jeune femme, dont la
peau délicate a la transparence de l'opale et la blancheur du marbre; elle joue
de la harpe et chante, et le vent déroule ses longues boucles de cheveux, et
porte sa chanson incertaine sur l'immensité de la mer orageuse.