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 Denis Diderot. (1713-1784) CHAPITRE XIII. SIXIÈME ESSAI DE L'ANNEAU DE L'OPÉRA DE BANZA(30).

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Denis Diderot. (1713-1784) CHAPITRE XIII.  SIXIÈME ESSAI DE L'ANNEAU  DE L'OPÉRA DE BANZA(30). Empty
MessageSujet: Denis Diderot. (1713-1784) CHAPITRE XIII. SIXIÈME ESSAI DE L'ANNEAU DE L'OPÉRA DE BANZA(30).   Denis Diderot. (1713-1784) CHAPITRE XIII.  SIXIÈME ESSAI DE L'ANNEAU  DE L'OPÉRA DE BANZA(30). Icon_minitimeLun 3 Sep - 10:46

CHAPITRE XIII.

SIXIÈME ESSAI DE L'ANNEAU

DE L'OPÉRA DE BANZA(30).

(30: Les critiques d'art musical, qui se sont fréquemment
occupés des opinions de Diderot sur la musique de son temps, se sont
tous, sans en excepter le dernier en date, M. Adolphe Jullien(A), bornés
à lire le Neveu de Rameau. Ils auraient dû, comme on le voit par ce
chapitre, remonter plus haut, et ils auraient vu que Diderot n'avait
point été seulement l'écho de son voisinage, mais qu'il s'était vraiment
préoccupé de l'art dont il parlait. On se convaincra, par la suite de
cette édition (section Beaux-Arts), qu'il n'avait pas même dédaigné
d'apprendre le métier, au même titre que ceux qu'il décrivait dans
l'Encyclopédie, pour en parler en conscience.)

(A: La Musique et les Philosophes au XVIIIe siècle, 1873,
in-8º.)

De tous les spectacles de Banza, il n'y avait que l'Opéra qui se
soutînt. Utmiutsol(31) et Uremifasolasiututut(32), musiciens célèbres,
dont l'un commençait à vieillir et l'autre ne faisait que de naître,
occupaient alternativement la scène lyrique. Ces deux auteurs originaux
avaient chacun leurs partisans: les ignorants et les barbons tenaient
tous pour Utmiutsol; la jeunesse et les virtuoses étaient pour
Uremifasolasiututut; et les gens de goût, tant jeunes que barbons,
faisaient grand cas de tous les deux.

(31: Lulli.)

(32: Rameau. Le premier vrai succès de Rameau est Hippolyte et
Aricie, en 1738.)

Uremifasolasiututut, disaient ces derniers, est excellent lorsqu'il est
bon; mais il dort de temps en temps: et à qui cela n'arrive-t-il pas?
Utmiutsol est plus soutenu, plus égal: il est rempli de beautés;
cependant il n'en a point dont on ne trouve des exemples, et même plus
frappants, dans son rival, en qui l'on remarque des traits qui lui sont
propres et qu'on ne rencontre que dans ses ouvrages. Le vieux Utmiutsol
est simple, naturel, uni, trop uni quelquefois, et c'est sa faute. Le
jeune Uremifasolasiututut est singulier, brillant, composé, savant, trop
savant(33) quelquefois: mais c'est peut-être la faute de son auditeur;
l'un n'a qu'une ouverture, belle à la vérité, mais répétée à la tête de
toutes ses pièces; l'autre a fait autant d'ouvertures que de pièces; et
toutes passent pour des chefs-d'oeuvre. La nature conduisait Utmiutsol
dans les voies de la mélodie; l'étude et l'expérience ont découvert à
Uremifasolasiututut les sources de l'harmonie. Qui sut déclamer, et qui
récitera jamais comme l'ancien? qui nous fera des ariettes légères, des
airs voluptueux et des symphonies de caractère comme le moderne?
Utmiutsol a seul entendu le dialogue. Avant Uremifasolasiututut,
personne n'avait distingué les nuances délicates qui séparent le tendre
du voluptueux, le voluptueux du passionné, le passionné du lascif:
quelques partisans de ce dernier prétendent même que si le dialogue
d'Utmiutsol est supérieur au sien, c'est moins à l'inégalité de leurs
talents qu'il faut s'en prendre qu'à la différence des poëtes qu'ils ont
employés... «Lisez, lisez, s'écrient-ils, la scène de Dardanus(34), et
vous serez convaincu que si l'on donne de bonnes paroles à
Uremifasolasiututut, les scènes charmantes d'Utmiutsol renaîtront.» Quoi
qu'il en soit, de mon temps, toute la ville courait aux tragédies de
celui-ci, et l'on s'étouffait aux ballets de celui-là.

(33: C'était un reproche fait à Rameau par J.-J. Rousseau entre
autres. Il est vrai que Rousseau en a dit de toutes couleurs au sujet de
la musique, et qu'il est revenu à Rameau quand il a pu se croire seul de
son avis.)

(34: Dardanus, opéra de La Bruère, mis en musique par Rameau,
et représenté le jeudi 19 novembre 1739. (Br.))

On donnait alors à Banza un excellent ouvrage d'Uremifasolasiututut,
qu'on n'aurait jamais représenté qu'en bonnet de nuit, si la sultane
favorite n'eût eu la curiosité de le voir: encore l'indisposition
périodique des bijoux favorisa-t-elle la jalousie des petits violons et
fit-elle manquer l'actrice principale. Celle qui la doublait avait la
voix moins belle; mais comme elle dédommageait par son jeu, rien
n'empêcha le sultan et la favorite d'honorer ce spectacle de leur
présence.

Mirzoza était arrivée; Mangogul arrive; la toile se lève: on commence.
Tout allait à merveille; la Chevalier(35) avait fait oublier la Le
Maure(36), et l'on en était au quatrième acte, lorsque le sultan
s'avisa, dans le milieu d'un choeur qui durait trop à son gré et qui
avait déjà fait bâiller deux fois la favorite, de tourner sa bague sur
toutes les chanteuses. On ne vit jamais sur la scène un tableau d'un
comique plus singulier. Trente filles restèrent muettes tout à coup:
elles ouvraient de grandes bouches et gardaient les attitudes théâtrales
qu'elles avaient auparavant. Cependant leurs bijoux s'égosillaient à
force de chanter, celui-ci un pont-neuf, celui-là un vaudeville
polisson, un autre une parodie fort indécente, et tous des extravagances
relatives à leurs caractères. On entendait d'un côté, oh! vraiment ma
commère, oui; de l'autre, quoi, douze fois! ici, qui me baise?
est-ce Blaise? là, rien, père Cyprien, ne vous retient. Tous enfin se
montèrent sur un ton si haut, si baroque et si fou, qu'ils formèrent le
choeur le plus extraordinaire, le plus bruyant et le plus ridicule
qu'on eût entendu devant et depuis celui des..... no..... d..... on.....
(Le manuscrit s'est trouvé corrompu dans cet endroit.)

(35: «Son genre était le grand, les fureurs, etc.» Anecdotes
dramatiques.)

(36: «Une des plus belles voix qui aient été entendues à
l'Opéra; a quitté le théâtre en 1727 et y reparut en 1730. Elle s'est
encore retirée plusieurs fois, et est toujours revenue au grand
contentement du public. Mais il en est privé sans espérance depuis
1750.» Id.)

Cependant l'orchestre allait toujours son train, et les ris du parterre,
de l'amphithéâtre et des loges se joignirent au bruit des instruments et
aux chants des bijoux pour combler la cacophonie.

Quelques-unes des actrices, craignant que leurs bijoux, las de fredonner
des sottises, ne prissent le parti d'en dire, se jetèrent dans les
coulisses; mais elles en furent quittes pour la peur. Mangogul, persuadé
que le public n'en apprendrait rien de nouveau, retourna sa bague.
Aussitôt les bijoux se turent, les ris cessèrent, le spectacle se calma,
la pièce reprit et s'acheva paisiblement. La toile tomba; la sultane et
le sultan disparurent; et les bijoux de nos actrices se rendirent où ils
étaient attendus pour s'occuper à autre chose qu'à chanter.

Cette aventure fit grand bruit. Les hommes en riaient, les femmes s'en
alarmaient, les bonzes s'en scandalisaient et la tête en tournait aux
académiciens. Mais qu'en disait Orcotome? Orcotome triomphait. Il avait
annoncé dans un de ses mémoires que les bijoux chanteraient
infailliblement; ils venaient de chanter, et ce phénomène, qui déroutait
ses confrères, était un nouveau trait de lumière pour lui et achevait de
confirmer son système.



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