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 Léon Dierx (1838-1912) Souré-Ha IV

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Léon Dierx (1838-1912)  Souré-Ha  IV Empty
MessageSujet: Léon Dierx (1838-1912) Souré-Ha IV   Léon Dierx (1838-1912)  Souré-Ha  IV Icon_minitimeJeu 15 Nov - 19:23

IV

Au fond des corridors, dans sa grave retraite,
Memmaratkha toujours se renferme. Il s'arrête,
Comme en extase, auprès d'un cippe déterré,
Par les griffes du temps monolithe échancré;
Puis, sur des papyrus couverts d'hiéroglyphes,
Approfondit leur sens qui se cache aux pontifes,
Médite un autre arcane, héritage plus vieux,
Ou déchiffre un par un les cartouches des dieux.
Aussi jaune que l'est la peau d'une momie,
Sous la lampe jamais éteinte! Unique amie!
Son crâne large et ras se plisse abondamment.
Silencieux, perdu dans son recueillement,
Plein d'horreur, il épelle un livre fatidique
Dans les rites anciens qu'un prêtre mort indique,
Et tous les jours de feu, tous les soirs constellés,
Il sonde avec Hermès les siècles écoulés.
Sa robe aux bords salis serpente sur les dalles;
Et sur les bouts pointus de ses larges sandales
Un nombre s'illumine en traits mystérieux.
Que le Nil, débordé de son lit, furieux,
Menace d'engloutir Memphis sur son passage :
Il n'aurait aucun pli d'effroi sur le visage;
Sans entendre, sans voir, sans un geste, il mourrait;
Car il cherche l'obscur et terrible secret;
Car son regard perçant plonge à travers le vide,
Car son doigt décharné qu'il promène est avide
De soulever enfin le grand voile d'Isis.
Il vit tout seul au sein d'un rêve immense assis.
Déjà l'ombre au dehors croissait dans les savanes.
C'était, loin des faubourgs, l'heure où les caravanes
Vont replier la tente, et sur les sables blancs
Reprendre le chemin du désert, à pas lents.
Quelqu'un entré sans bruit souilla l'austère asile
Du vieux mage, et lui dit : « Sors du songe où s'exile
Ta vie! Ecoute-moi! Lève ton corps penché!
Et si dans quelque membre un muscle moins séché
Sous un reflet royal peut tressaillir de joie,
Sois content, car Rhamsès est celui qui m'envoie!
Le bien-aimé puissant d'Ammon-Ra, le soutien
Des cinq fils de Rhéa, mon roi, comme le tien,
Daigne, c'est un honneur suprême pour ta race,
Sur Samhisis, ta fille, ouvrir les yeux par grâce.
Demain dans son palais en reine elle vivra,
Et le peuple à ses pieds ainsi l'adorera.
Pour ton obéissance, ô vieux prêtre! Il te laisse
Souré-Ha, car il prend pitié de ta vieillesse,
Et te donne en surplus dans ces coffrets pesants,
Pour le prix qu'il te doit, ces précieux présents.
Réponds! » - Memmaratkha laissa l'homme tout dire,
Et sans qu'un poil frémît sur son masque de cire,
Lui dit : « Tu peux garder aussi bien mes deux parts!
Prends mes filles, et l'or avec elles. Mais pars!
Mais va-t'en! Car la vie est de courte durée,
Car la science est longue et cette heure est sacrée! »
L'envoyé disparut sur-le-champ; soucieux,
Le mage avait repris sa lutte avec les dieux.
Vimupht entra bientôt dans une salle étroite.
Là, tout près du jet d'eau qui bruit dans l'air moite,
Les deux soeurs caressaient leurs désirs opposés,
Songeant, l'une au bonheur modeste, aux longs baisers
Sur la grève, le soir, et l'autre, à la paresse
Du royal gynécée où l'orgueil la caresse,
Où chacune humilie à son tour sa beauté
Devant elle et lui paie un tribut mérité.
« Laquelle est Samhisis de vous deux? dit l'esclave;
Qu'en signe de bonheur, trois fois elle se lave
Le visage et les mains dans une eau d'oasis!
- Parle! Que lui veux-tu? C'est moi! Par l'oeil d'Isis!
N'étais-tu pas hier près du roi, quand la foule
Affluait devant lui comme une épaisse houle?
- Oui, femme! Il a daigné jeter les yeux sur toi.
Triste, depuis hier il t'aime; et c'est pourquoi
Je viens pour t'emmener. Durci par la science,
Memmaratkha, ton père, avec insouciance
Me permet, si je veux, de prendre aussi ta soeur,
Car tout lien terrestre est brisé dans son coeur.
- Souré-Ha! Tu l'entends! La déesse elle-même
A pris soin d'exaucer mon souhait. Rhamsès m'aime!
Son messager vers moi, sur un ordre pressant,
Accourt, et je le suis, et mon père y consent! »
Et la si triomphante et folle jeune fille,
Sans voir, en ses apprêts, cette larme qui brille
Aux yeux de Souré-Ha, lui dit : « Dans ton amour,
Dans ta simplicité sois heureuse à ton tour!
Puisque tu préférais un bonheur qu'on ignore,
Reste donc, et l'attends! Vers le palais sonore
Isis me pousse; adieu! -va donc! » dit Souré-Ha,
Qui pensait : « Quant à moi, ce jour décidera! »
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Léon Dierx (1838-1912) Souré-Ha IV
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