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 Léon Dierx (1838-1912) Souré-Ha V

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Léon Dierx (1838-1912)  Souré-Ha  V Empty
MessageSujet: Léon Dierx (1838-1912) Souré-Ha V   Léon Dierx (1838-1912)  Souré-Ha  V Icon_minitimeJeu 15 Nov - 19:23

V

L'horizon au dieu Phré rouvrait ses beaux portiques.
Cependant par le Nil qui court aux mers antiques,
Sans peur de l'amphibie au guet sous les roseaux,
Un homme nage et fend rapidement les eaux.
A travers les lotus de la berge il arrive
Et touche aux bords. à peine a-t-il franchi la rive,
Que sur ses membres nus, sur son torse bronzé,
Les rayons du soleil dans un air embrasé
Avaient bu l'eau du fleuve et guéri la fatigue.
Il est tout jeune et beau. La nature prodigue
Lui donna plus : la force; et l'on voit la fierté
Ennoblir sa démarche avec la volonté.
Il sait droit devant lui regarder un obstacle;
Il n'est pas de ceux-là qui traînent en spectacle
La blessure d'un coeur lâchement résigné;
Pour chérir un supplice atroce, il n'est pas né.
Il marchait au hasard, solitaire, et très calme;
Comme un dieu méprisant qui réserve sa palme,
Jusqu'ici pour la femme il n'avait qu'un dédain.
Nul sourire n'usait sa rigueur. Mais soudain
Il a vu Samhisis paraître, et dans son âme
Il a senti l'éclair, et le flot d'un cinname
épanoui l'emplir de langueurs; et l'espoir
A fait son pas moins sûr et son regard plus noir.
Il déplie à la hâte et sur son corps il jette
Ses vêtements portés hors de l'eau sur sa tête,
Et s'élance, tout plein d'une fièvre d'amour,
Vers le seuil fortuné qu'il revoit chaque jour.
« C'est gémir trop longtemps, pense-t-il, dans le doute;
Tout entière, à la fin, j'ai vidé goutte à goutte
La coupe des poisons que m'offre cette enfant.
C'est assez supplier; l'amour me le défend. »
Il entre. Souré-Ha, les paupières baissées,
Seule et triste, suivait le cours de ses pensées;
Quand tout près retentit le bruit d'un pas si cher,
On eût pu voir pâlir et frissonner sa chair.
La nuit venait de près, et des ombres voraces
Couvraient les hauts plafonds, les murs et les terrasses.
Il était arrivé; mais un pressentiment
Le retint sur le seuil, anxieux. Un moment,
Sans voix, il contempla cette vierge isolée,
Et qui pensait à lui, sous sa peine accablée.
Mais tout à Samhisis, l'absente, il ne lut pas
Le douloureux secret de si proches combats.
D'un seul mot il pouvait en ces yeux faire luire
Une flamme, en ces pleurs rayonner un sourire.
Mais il ne connaissait qu'un nom, et qu'un souci :
« Samhisis? cria-t-il; n'est-elle plus ici?
Vous vous taise! Parlez! Dites-moi qu'elle est morte,
Plutôt que pour un autre elle ait franchi la porte!
Je saurais me venger. - Hélas! dit Souré-Ha,
Dont le si pur visage à sa voix s'empourpra;
Rhamsès est plus qu'un homme, et loin de tous il siège;
Et ses aïeux divins le gardent de tout piège!
- Voilà donc le bonheur qu'elle préfère! Hé quoi!
Tous mes serments n'étaient, pour la fille sans foi,
Qu'un vain jeu, qu'un mensonge! Au long récit des rêves
Que je faisais pour nous, en ces heures trop brèves,
A genoux à ses pieds, et les yeux dans ses yeux,
Peut-être songeait-elle à ce sort glorieux!
O honte! Elle accepta pour elle un rang infâme!
C'est le fouet de l'eunuque insolent et sans âme
Qu'elle couru chercher sans horreur, sans regret
Pour le crédule amant qui vers elle accourait!
- Peut-être existe-t-il quelqu'une plus fidèle,
Dont l'amour deviné vous consoleait d'elle. »
Et pourpre, elle n'osa lui dire un mot de plus.
Le jeune homme, la voix et les traits résolus :
« Souré-Ha! Je ne sais si les autres oublient;
J'ignore si les coeurs ici-bas se délient;
Mais moi, je ne veux pas oublier, et je sens
Une soif de vengeance envahir tous mes sens;
La jalousie étreint et brûle tout mon être;
Par Typhon! Souré-Ha, je le saurai peut-être,
Si la mort peut aussi délivrer de l'amour! »
Et, repassant le seuil, il s'enfuit sans retour.
Comme un ramier blessé qui dans les airs tournoie
Poursuivi par le bec d'un sombre oiseau de proie,
Souré-Ha mesurait l'abîme de son sort.
« Comme il l'aime! Dit-elle. Eh bien! Mieux vaut la mort.
C'est moi qu'il frappera; moi, qui mourrai, contente
Si c'est lui qui me tue, en ses bras palpitante! »
La nuit dans le vieux Nil baignait son pied charmant,
Et, sereine, invitait l'homme au recueillement.
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Léon Dierx (1838-1912) Souré-Ha V
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