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 Léon Dierx (1838-1912) Souré-Ha VI

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Léon Dierx (1838-1912)  Souré-Ha  VI Empty
MessageSujet: Léon Dierx (1838-1912) Souré-Ha VI   Léon Dierx (1838-1912)  Souré-Ha  VI Icon_minitimeJeu 15 Nov - 19:24

VI

Rêves inassouvis des amours impossibles,
Rongerez-vous toujours de vos dents invincibles
Le misérable fou qui de vous s'est épris?
Quoi! Parce qu'aux éveils de la chair, et surpris
Par les vagues chaleurs montant d'une étincelle,
Il but l'amer venin qu'un azur faux recèle,
Serpents mélodieux, le mordrez-vous toujours?
Ne fuirez-vous jamais, charmes de ses beaux jours?
Est-ce un crime d'aimer? C'est donc un culte impie
Que l'amour? Jusqu'à quand faudra-t-il qu'on expie
Les parfums qu'on brûla sur l'ineffable autel?
Le songe des vingt ans doit-il être immortel?
L'homme est né pour souffrir, oublier et se taire;
C'est un homme, celui qui dans la route austère
Marche vite à son but, les deux bras en avant,
Et ne se tourne pas aux surprises du vent.
Qu'importe l'horizon? Sans rappels en arrière,
Le fort ne se résout jamais à la prière.
Que peut-il espérer, celui qu'un souvenir
étreint plus qu'un remords, et qui ne peut bannir
Le mirage infécond de sa jeunesse vaine;
Qui lui-même resserre autour de lui sa chaîne,
Dans sa prison factice est son propre geôlier,
Et, n'osant pas mourir, ne veut pas oublier?
Depuis trois jours et trois mortelles nuits, farouche,
Comme un fauve affamé qui roule son oeil louche,
Thaéri frémissant rôde autour du palais
Où Samhisis se mire aux feux des bracelets.
Prêt à frapper, dans l'ombre, attentif, il épie.
Depuis ces trois longs jours, dans son secret tapie,
Soué-Ha par des dons a gagné la faveur
Des gardiens, et gaîment veille auprès de sa soeur.
Mais peut-être bientôt viendra l'heure indécise
Où doit partir le trait que la vengeance aiguise,
Car cette nuit Rhamsès veut fêter Samhisis.
Il est aux bords du Nil une ronde oasis;
Et c'est là qu'il ira. - Courage! Voici l'heure
Où l'âme se roidit au fond du corps qui pleure.
Regarde si ton arc, jeune homme, est bien tendu;
Jeune fille, aguerris ton regard éperdu!
Depuis longtemps déjà sous les dunes de sable
Phré cachait le brasier de son disque implacable.
Déjà le fleuve au loin reflétait mille feux;
Tout un peuple attendait sur la grève, envieux
D'étaler son opprobre en concerts d'allégresse.
Le roi venait. Et belle et savourant l'ivresse,
Sous un dais fastueux, par vingt femmes porté,
Samhisis s'avançait heureuse à son côté,
Projetant ses lueurs d'en haut sur une foule
Qui lui semble un tapis vivant que son pied foule.
Aux hommages rendus pour la première fois,
Elle croyait, parmi les parfums et les voix,
Sentir comme un lotus divin dans sa prunelle.
Oh! Ce soir, le passé, qu'il était mort en elle!
Au milieu des flambeaux et des astres, au bruit
Du cortège pompeux qui la guide et la suit,
Qu'ils étaient loin, ses jours de paix et d'innocence,
Sous le toit paternel qu'un jeune amour encense!
Comme elle avait alors oublié Thaéri!
Souré-Ha, toujours prête à retenir un cri,
L'escortait, pâle, en proie à sa muette angoisse,
Et le sein soulevé sous la main qui le froisse.
Mais avec plus de hâte aussi, sur le parcours
Elle paraît chercher quelqu'un aux alentours.
Enfin, sorti de l'ombre, un homme noir se dresse
Derrière elle : « Ma tâche est faite. Avec adresse,
J'ai pu suivre celui que tu m'as indiqué;
Là-bas, dans les roseaux, il se tient embusqué,
L'arc en main, à l'endroit où le Nil fait un coude,
Sur la digue à laquelle une oasis se soude.
- C'est bien! dit Souré-Ha; tiens! Prends vite, et t'enfuis! »
Il disparut d'un bond. Le Nil flamboyait. Puis
Il emporta bientôt sur les canges royales
Le cortège et les chants des lyres triomphales.
« Que regardes-tu donc, ma soeur, autour de toi?
Dit Samhisis. Je veux que ce soir, près de moi,
Chacune ait sa chanson comme sa banderole.
Tous tes désirs, dis-les. N'as-tu pas ma parole?
Parle! » - Alors, Souré-Ha : « Si je te demandais
De m'asseoir à ta place un instant sous ton dais,
Et d'essayer un peu ta pose et ta parure?
J'en serais plus rieuse après, je te le jure! »
Ce caprice jaloux sut plaire à Samhisis.
Comme la conque d'or de la déesse Isis,
La cange suit le fleuve auguste en sa descente.
Souré-Ha sous le dais se tient, éblouissante;
Et tandis que son être est brisé de douleurs,
En s'efforçant de rire, elle arrête les pleurs,
Les derniers, que ramène une pensée amère.
Qu'elle était belle ainsi, dans sa gloire éphémère!
Belle comme l'étoile au ciel tout constellé
Qui surgit et qui meurt après avoir brillé!
Mais près des joncs mêlant sur les bords verts de l'île
Leurs rameaux plus touffus, la barque vient, tranquille.
Aussitôt Thaéri s'est levé dans la nuit.
Il croit voir Samhisis; - et la corde sans bruit
Sous ses doigts est tendue. - Il demeure immobile
Une seconde. Il vise avec un art habile.
Puis la corde a vibré... ce ne fut qu'un soupir.
L'âme de Souré-Ha qui rêvait de partir
S'envola. - Son beau corps roulait dans le sillage.
Ce soir, les caïmans qui rôdaient sur la plage
Se sont repus entre eux dans un double festin,
Car le flot ne rendit nul cadavre au matin.




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