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| Claude-Joseph Dorat (1734-1780) CHANT II LA COMEDIE | |
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Auteur | Message |
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James FONDATEUR ADMINISTRATEUR
Nombre de messages : 152463 Age : 60 Localisation : Mon Ailleurs c'est Charleville-Mézières Date d'inscription : 04/09/2007
| Sujet: Claude-Joseph Dorat (1734-1780) CHANT II LA COMEDIE Lun 26 Nov - 20:11 | |
| Rappel du premier message :
CHANT II LA COMEDIE
Toi qui, dans un miroir agréable et fidele, Présentant l'homme à l'homme, amuses ton modele, Nous reproduis nos traits, nos mobiles travers, Et ais, en te jouant, corriger l'univers, Souris à mes accens, viens, folâtre Thalie, Échauffe mes leçons du feu de la saillie, Apprends-moi tes secrets, et ne me cache rien Des mysteres d'un art, interprete du tien. Ô vous, que de cet art ont séduit les délices, La palme qu'il promet croît sur des précipices. Aux succès éclatans vous prétendez en vain, Si les cieux n'ont en vous transmis ce feu divin, Cette source de vie aux humains apportée, Mobile universel ravi par Prométhée, L'esprit enfin, l'esprit, invisible flambeau, Qui du monde encor brute éclaira le berceau. Quels plaisirs sont piquans, s'il ne les assaisonne? C'est par lui que l'on pense et par lui qu'on raisonne. Vous pourrez bien sans lui répandre quelques pleurs, Cadencer noblement de tragiques douleurs, De même en imposer aux spectateurs crédules; Mais lui seul voit, saisit, et peint les ridicules. | |
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Auteur | Message |
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James FONDATEUR ADMINISTRATEUR
Nombre de messages : 152463 Date d'inscription : 04/09/2007
| Sujet: Re: Claude-Joseph Dorat (1734-1780) CHANT II LA COMEDIE Lun 26 Nov - 20:22 | |
| Acquérez ce maintien, ce débit plein d'aisance, Et ces tons assurés, fruits de l'expérience. Soyez dur, inquiet, défiant dans Simon, Dans Licandre imposant, tendre dans Euphémon. Modérez votre voix, qu'elle parte de l'ame. Il faut que sans éclats votre jeu nous enflame. D'un geste toujours simple appuyez vos discours; L'auguste vérité n'a pas besoin d'atours. Si cependant un fils contre lui vous anime, Éclatez, soyez ferme, éloquent et sublime. Offrez-nous, à l'aspect de ce fils criminel, Toute la majesté du courroux paternel: Excitez les sanglots, faites couler les larmes, De la nature en pleurs déployez tous les charmes; Transmettez-nous votre ame, et que le spectateur Puisse applaudir au pere, en oubliant l'acteur. Vous, reines du théatre où l'amour vous appelle, L'orgueil de vous instruire a réveillé mon zele. Je n'ai point au hasard confondu mes couleurs; Économe prudent, j'ai réservé les fleurs. Muse, couronne-toi d'une palme nouvelle: La beauté te sourit, il faut chanter pour elle. Pour t'en faire écouter, forme de plus doux sons; Elle veut des conseils, et non pas des leçons. On ne peut l'éclairer, quand on ne peut lui plaire. Dirige ses talens, mais d'une main légere. | |
| | | James FONDATEUR ADMINISTRATEUR
Nombre de messages : 152463 Age : 60 Localisation : Mon Ailleurs c'est Charleville-Mézières Date d'inscription : 04/09/2007
| Sujet: Re: Claude-Joseph Dorat (1734-1780) CHANT II LA COMEDIE Lun 26 Nov - 20:23 | |
| C'est ainsi que l'on voit les flexibles ciseaux De l'arbre aux fruits dorés arrondir les rameaux. Oeil rusé, taille leste et langues indiscrettes, Ce qu'il faut aux valets, il le faut aux soubrettes. Par l'organe sur-tout elles doivent briller, Agir presque toujours, et toujours babiller; Ou du moins, se taisant avec impatience, Par un geste indiscret échauffer leur silence. Qu'elles se gardent bien de charger leurs tableaux; Nous voulons des Teniers, et non pas des Calots. Le vain effort de l'art annonce une ame aride. Alors qu'il est contraint, le rire est insipide. Camille, aux yeux charmés de zéphyre surpris, Couroit sur les moissons sans courber les épis. Ah! Si la scene encore offroit à notre vue Cette actrice adorée et trop tôt disparue, Qui par son enjoûment savoit tout animer, Et que, pour son éloge, il suffit de nommer! ... Je vous dirois sans cesse, ayez les yeux sur elle; Et je croirois tout dire, en l'offrant pour modele. Il me semble la voir, l'oeil brillant de gaîté, Parler, agir, marcher avec légéreté; Piquante sans apprêt, et vive sans grimace, À chaque mouvement acquérir une grace; Sourire, s'exprimer, se taire avec esprit; Joindre le jeu muet à l'éclair du débit; Nuancer tous ses tons, varier sa figure, Rendre l'art naturel, et parer la nature. | |
| | | James FONDATEUR ADMINISTRATEUR
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| Sujet: Re: Claude-Joseph Dorat (1734-1780) CHANT II LA COMEDIE Lun 26 Nov - 20:24 | |
| Lise, avec un oeil morne, un air digne et hautain, Et les traits alongés d'un visage romain, A ceint le tablier de Rose ou de Justine. Froidement minaudiere, elle croit être fine. D'abord qu'elle paroît, on se sent attristé, On ne partage point sa pénible gaîté: Elle parcourt sans grace un cercle monotone; Son rire grimacier n'en impose à personne: Quand l'automate agit, le spectateur galant Applaudit au ressort, mais non pas au talent. Paris, à chaque pas, nous offre cent coquettes, Ivres d'un fol encens, volages, indiscrettes. Ô vous, qui sous leurs traits voulez nous enflammer, À jouer leurs travers, l'art seul peut vous former. Attendez que le tems, maître tardif et sage, Du monde et des plaisirs vous ait appris l'usage: Saisissez la saison de la maturité, Ce moment dangereux, le soir de la beauté. Pour nous fixer alors il est mille artifices, Et le jeu des vapeurs et celui des caprices. D'un geste ou d'un souris combinez la valeur: Commandez à vos yeux de feindre la douleur, Le plaisir, le dédain, et la mélancolie, La raison quelquefois, et souvent la folie; Et vous viendrez alors reproduire à nos yeux, L'amante qui d'Alceste a captivé les voeux. | |
| | | James FONDATEUR ADMINISTRATEUR
Nombre de messages : 152463 Age : 60 Localisation : Mon Ailleurs c'est Charleville-Mézières Date d'inscription : 04/09/2007
| Sujet: Re: Claude-Joseph Dorat (1734-1780) CHANT II LA COMEDIE Lun 26 Nov - 20:26 | |
| Combien, dans ces tableaux, me semble intéressante Cette actrice, à la fois, noble, sage et décente, Qui sait tout détailler, et ne refroidit rien, Assujettit au goût ses tons et son maintien, Et qui, fidelle au vrai, sans nuire au vraisemblable, Toujours ingénieuse, est toujours raisonnable! Si dans son vol jaloux, l'impitoyable tems A marqué sur vos fronts le ravage des ans, N'allez point dédaigner nos folles Céliantes, Et nos Escarbagnas, et nos vieilles amantes. Ces rôles épineux, dont la charge déplaît, Quand Drouin les remplit, ont encor leur effet. Vous y pouvez de l'art déployer les richesses: Leurs traits sont plus marqués, mais ils ont leurs finesses. Affectez quelquefois un sourire enfantin; Qu'une rose en bouton parfume votre sein, Et de quelques pompons ornant votre coëffure, De la beauté naissante empruntez la parure. Mais, pour nous égayer, ne nous révoltez pas, N'enrubanez point trop vos burlesques appas. Dans vos plus grands excès soyez prudente et sage, Baissez de vos cheveux le double ou triple étage, Élaguez ce panier, rognez cet éventail, Et n'ayez point enfin l'air d'un épouvantail. Les rôles ingénus veulent de la décence. L'actrice s'embellit par un air d'innocence. | |
| | | James FONDATEUR ADMINISTRATEUR
Nombre de messages : 152463 Age : 60 Localisation : Mon Ailleurs c'est Charleville-Mézières Date d'inscription : 04/09/2007
| Sujet: Re: Claude-Joseph Dorat (1734-1780) CHANT II LA COMEDIE Lun 26 Nov - 20:26 | |
| L'amour doit y briller, mais doux et désarmé: Songez qu'il vient de naître, et qu'il n'est point formé. Le soleil, en naissant, n'échauffe point encore, Et semble se jouer sur les monts qu'il colore. Exprimez dans vos yeux l'enfance du desir, Et d'un coeur étonné qui s'éveille au plaisir. Il faut que votre voix, en peignant votre flame, En sons mélodieux se fasse entendre à l'ame. Offrez-nous, s'il se peut, ce timide embarras Que donne la nature, et qu'on n'imite pas, Ce front baissé toujours, et qui rougit sans cesse, Cette grace naïve, atour de la jeunesse. Ah! Ne l'offusquez point par de vains ornemens. Une rose suffit pour orner le printems. Nous représentez-vous la tendre Zénéide, Qui s'indigne et gémit sous un masque perfide? Marquez-nous ce dépit et ce ressentiment: C'est une nymphe en pleurs, qu'outrage son amant, Qui résiste, qui craint de le voir infidelle, Qu'il soupçonne être laide, et qui sait qu'elle est belle. Quel voile peut cacher ces douloureux combats, Et l'orgueil d'une amante, et sur-tout ses appas? Que votre jeu soit vif, qu'il peigne vos alarmes, Et qu'à travers le masque, on découvre vos charmes. | |
| | | James FONDATEUR ADMINISTRATEUR
Nombre de messages : 152463 Age : 60 Localisation : Mon Ailleurs c'est Charleville-Mézières Date d'inscription : 04/09/2007
| Sujet: Re: Claude-Joseph Dorat (1734-1780) CHANT II LA COMEDIE Lun 26 Nov - 20:26 | |
| Dans Lucinde sur-tout variez vos tableaux: Chaque scene y produit des sentimens nouveaux. Quel souvenir cruel se mêle à ces images! Le talent qui n'est plus veut encor des hommages. Tendre Guéant, mon coeur ne t'oublîra jamais. Puissé-je dans mes vers ranimer tes attraits! Combien elle étoit simple, intéressante, et belle! Amour, tu t'en souviens, tu lui restas fidelle. La douce illusion accompagnoit ses pas: Les graces l'inspiroient, et ne la quittoient pas. Amour, graces, beauté, rien ne la put défendre: La tombe s'entre-ouvrit, il y fallut descendre. Ainsi l'étoile brille, et bientôt, à nos yeux, En mourantes clartés semble quitter les cieux. Que dis-je? Elle respire: il est d'heureux ombrages, Asyles des héros, des belles et des sages. Sous ces berceaux rians et fermés aux douleurs, Près de Ninon peut-être elle cueille des fleurs: Peut-être qu'à Maurice, élevé sur un trône, De myrte et de lauriers elle offre une couronne, Se rapelle des vers qu'il lui fait déclamer, Et n'envie aux mortels que le plaisir d'aimer... | |
| | | James FONDATEUR ADMINISTRATEUR
Nombre de messages : 152463 Age : 60 Localisation : Mon Ailleurs c'est Charleville-Mézières Date d'inscription : 04/09/2007
| Sujet: Re: Claude-Joseph Dorat (1734-1780) CHANT II LA COMEDIE Lun 26 Nov - 20:27 | |
| Mais quoi! Quelle beauté s'avance sur la scene? Le sentiment conduit sa démarche incertaine. Sa voix se développe en sons doux et flatteurs; Qu'elle sait bien trouver la route de nos coeurs! Charmante Doligni, puis-je te méconnoître, Toi, si chere à l'amour, que tu braves peut-être? Poursuis; ce dieu léger, qui brigue tes faveurs, Séduit par les attraits, est fixé par les moeurs. L'art n'est point dégradé, lorsqu'il se multiplie. On éleve par-tout des temples à Thalie. | |
| | | James FONDATEUR ADMINISTRATEUR
Nombre de messages : 152463 Age : 60 Localisation : Mon Ailleurs c'est Charleville-Mézières Date d'inscription : 04/09/2007
| Sujet: Re: Claude-Joseph Dorat (1734-1780) CHANT II LA COMEDIE Lun 26 Nov - 20:27 | |
| Ils peuvent librement, sans craindre pour leur flame, Se parler en public des secrets de leur ame. Ce n'est que pour eux seuls que brille un si beau jour; Et la décence même applaudit à l'amour. Le plaisir m'égaroit! La raison me ramene. Muses, dont le pinceau peut enrichir la scene, Joignez à mes essais vos efforts plus certains. Pour former des acteurs, il faut des écrivains. Tel qui, depuis long-tems, rampoit foible et timide, Dans des rôles nouveaux a pris un vol rapide. Remettez sous nos yeux le tableau de nos moeurs; Badinez avec nous pour nous rendre meilleurs. Qui retient vos crayons? Quels seroient vos scrupules? Moliere est sous la tombe, et non les ridicules. Oui, chaque âge a les siens, vrais, caractérisés: Ceux-là sont apparens, ceux-ci mal déguisés. Il faut leur arracher cette enveloppe obscure; Il faut à chaque siecle assigner sa figure. Avec des traits divers, le nôtre a ses Orgons; Il a ses imposteurs, il a ses Harpagons. La nature, en créant, toujours se renouvelle: Les vices, les travers sont variés comme elle. Observez, parcourez et la ville et la cour; Dans nos coeurs, en riant, venez porter le jour. Quel léger tourbillon va, vient, revient et roule, Dieux! Que d'originaux se présentent en foule! | |
| | | James FONDATEUR ADMINISTRATEUR
Nombre de messages : 152463 Age : 60 Localisation : Mon Ailleurs c'est Charleville-Mézières Date d'inscription : 04/09/2007
| Sujet: Re: Claude-Joseph Dorat (1734-1780) CHANT II LA COMEDIE Lun 26 Nov - 20:27 | |
| Voyez-vous celui-ci, fier et bas à la fois, Tristement abruti dans son faste bourgeois? Cet autre, embarrassé de sa vaine richesse, Qui cherche en vain ses sens usés par la mollesse, S'ennuie au sein des arts qu'il rassemble à grands frais, Dîne, soupe, s'endort au son des clarinets, A sa meute, sa troupe, et sur-tout sa musique, Fatigue, tout le jour, son ame léthargique, Et retombe le soir, en bâillant de nouveau, Sur un lit d'édredon, qui lui sert de tombeau? Transportez à nos yeux la jeune courtisane, Qui, fille de l'amour, le sert et le profane, Avec grace sourit, intrigue savamment, Désespere avec art et trahit décemment; Ce protecteur banal, entouré de Thersites, Et qui pour ses amis compte ses parasites; Ou ce présomptueux, ivre de ses talens, Qui regarde en pitié jusqu'à ses partisans, Et d'un oeil prophétique, où le dédain repose, Dans les siecles futurs lit son apothéose. Alors je cueillerai le fruit de mes leçons. Qu'un Molière s'éleve! Il naîtra des Barons. | |
| | | | Claude-Joseph Dorat (1734-1780) CHANT II LA COMEDIE | |
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