ACTE 5 SCENE 11
Léar, le comte de Kent, gardes du duc
de Cornouailles, le duc de Cornouailles,
Edgard enchaîné, un soldat du duc, un autre
soldat, soldats ou armée du duc de Cornouailles.
ces soldats entrent d' un air de triomphe, avec leurs
drapeaux victorieux, et ceux qu' ils ont pris dans
le combat.
Le Duc, tenant à sa main son épée sanglante.
Dans les flots de leur sang ma main s'est assouvie.
J' ai paru ; la victoire a volé sur mes pas.
À Edgard.
Perfide, à ma fureur tu n' échapperas pas.
Lénox est dans mes fers.
Edgard.
Quoi ! Tyran que j' abhorre !
Quoi ! Le ciel t'a fait vaincre, et je respire encore !
De mon trépas du moins, cruel, hâte l' instant.
Le Duc.
Tes voeux seront remplis ; c'est la mort qui t' attend
Je n' écouterai plus ni pitié, ni nature.
À Léar.
Vieillard, tu gémiras dans une tour obscure.
Au comte.
Toi, dans les mêmes fers, expire auprès de lui.
Léar, au duc.
Hélas ! Ma fille au moins me servira d' appui.
Le Duc.
Ta fille ! Elle n' est plus.
Léar.
Ma fille !
Edgard.
ô ciel !
Le Comte.
Barbare !
Edgard.
Ce parricide affreux, ta bouche le déclare !
Le Duc.
Oui, d'Oswald dans son sang les bras se sont trempés :
Je ne crains plus rien d' elle, et les coups sont frappés.
Léar.
Tigre, tu m' as rendu ma raison tout entière.
C' en est donc fait, ô ciel ! J' ai cessé d' être père.
Tombant évanoui sur le débris d' un rocher.
Mon Helmonde n' est plus !
Le Duc.
Qu' on l' emporte, soldats.
Le Comte.
Barbare, achève enfin tous tes assassinats!
Reviens à toi, Léar, prends la main de ton guide.
Montrant Léar. ô ciel! Voilà le père,
Montrant le duc. et voilà l' homicide.
La couronne, le jour, il leur a tout donné;
Et ce sont ses enfans qui l'ont assassiné!
Edgard, dans les bras du comte.
Mon père !
Le Comte.
Cher Edgard !
Le Duc.
Allons, qu' on les sépare :
Emmenez-les, soldats.
Edgard.
Je resterai, barbare.
De quel front oses-tu commander en ces lieux,
Où ton froid parricide a fait pâlir les dieux ?
Vois ces nobles guerriers, avilis par ta gloire,
Pleurer de leurs drapeaux la honte et la victoire.
Helmonde a donc péri ! Ses mânes irrités
Vont demander vengeance, et vont être écoutés.
Tyran, tu braves tout ; ton pouvoir te rassure ;
Mais tu n' as pas vaincu ces dieux et la nature,
La nature indomptable, et qui, dans sa fureur,
Hors de son sein sacré te jette avec horreur.
Soldats, à mon secours !
Un Des Soldats Du Duc, passant du côté
D' Edgard.
j' embrasse ta défense ;
Je combattrai pour toi !
Des soldats en assez grand nombre passent à la fois
Du côté d' Edgard.
Le Duc.
Ses soldats, en beaucoup plus grand nombre, et
Prêts à combattre, restent auprès de lui. Il est
À leur tête, l'épée à la main.
Au parti d' Edgard.
Tremblez, traîtres!
Edgard.
Vengeance !
Aux soldats du duc.
Amis, quoi ! Vous servez sous un monstre odieux,
Couvert du sang d' Helmonde, abhorré par les dieux,
Les dieux qui vont sur vous envoyer leur colère!
Au duc, montrant Léar, et s'avançant vers lui.
Il te manque un forfait : monstre, égorge ton père.
Léar, revenant à lui, au nom de père, avec joie
et un reste d' égarement.
Oui, je le suis.
Le Duc, furieux.
Hé bien ! ...
Un Autre Soldat Du Duc.
Meurs, traître!
Il le désarme, et tourne son épée contre lui, prêt
À le percer.
Edgard, voyant le danger du duc, et courant au
Soldat qui va le tuer.
Il est ton roi.
Tous les soldats du duc l' abandonnent ; ils se
Rangent dans l'instant du parti d' Edgard, et
Tombent avec respect aux pieds de Léar : ils
Baissent devant lui leurs armes, et inclinent
Leurs drapeaux.
Le Duc.
Où suis-je ?
Edgard, aux soldats qui sont aux pieds de Léar.
Quelle gloire et pour vous et pour moi !
Au duc.
Te voilà seul, sans arme, en butte à leur furie.
C' est moi qui, dans les fers, dispose de ta vie.
Est-il un ciel vengeur ? Parle, reconnais-tu
L' invincible pouvoir qu' il donne à la vertu ?
Va trouver tes pareils, Régane et Volnérille.
Aux soldats.
Qu' on l' entraîne, soldats.
Les soldats l' entraînent aussitôt.