ACTE 5 SCENE 12
Léar, le comte de Kent, gardes du duc
de Cornouailles, Edgard, un des
soldats du duc de Cornouailles, un
autre de ses soldats, tous ses soldats ou
son armée, le duc d' Albanie, Helmonde,
gardes du duc d' Albanie.
Le Duc D' Albanie, mettant Helmonde dans les
Bras de Léar.
Léar, voilà ta fille.
J'avais tout craint d'Oswald ; Oswald levait la main :
J'ai couru l' arracher à ce monstre inhumain.
Moi-même dans son sang j'ai noyé le perfide.
Volnérille, en ces lieux, doublement parricide,
Évitant mes regards, et voilant sa noirceur,
Irritait sourdement les transports de sa soeur.
On vient de les saisir. Le peuple est autour d' elles,
Et veut, dans sa fureur, déchirer les cruelles.
On s' écrie, on les traîne, au milieu des affronts,
Vers un séjour d' horreur, vers des gouffres profonds
Où la nuit et des fers, couvrant leurs mains impies,
Au soleil pour jamais vont cacher ces furies.
Leur crime a mérité le plus horrible sort ;
Mais votre nom, seigneur, les dérobe à la mort.
On bénit vos vertus, on court, on vole aux armes.
Tous les coeurs sont émus, tous les yeux sont en larmes.
Vivez, régnez, mon père.
Léar.
ô clémence des dieux,
En regardant Helmonde.
De quel spectacle encor vous enivrez mes yeux !
Helmonde.
Entre les mains d' Edgard ils ont mis leur puissance,
Pour punir des ingrats et venger l' innocence.
Edgard.
Hélas ! Père trop tendre et roi trop généreux,
En m'exposant pour vous, j'ai cru m'armer pour eux.
Léar.
J' admire, en l'adorant, leur équité profonde.
Approchez-vous, Edgard ; approchez-vous, Helmonde.
Recevez, mes enfans, avec le nom d'époux,
Celui de souverain qui m'est rendu par vous.
Pour payer vos vertus, que sont des diadêmes!
L' un à l' autre en présent je vous donne vous-mêmes.
Au duc d' Albanie, en lui montrant Helmonde.
Duc, je te dois ses jours : jouis de tes bienfaits,
En voyant les heureux que ta grande ame a faits.
Que n' ai-je, ô mon cher fils, ô héros que j'adore,
Une Helmonde à t'offrir, s'il en était encore!
En montrant Edgard et Helmonde au comte.
Kent, voilà nos enfans ; tu veilleras sur eux.
Et vous, qui m' accordez ces amis généreux,
Avant de m' endormir dans la nuit éternelle,
Dieux ! Laissez-moi goûter leur tendresse fidèle !
Si ma raison s' éteint, daignez la rallumer ;
Ou laissez-moi du moins un coeur pour les aimer !