II
Le vent soulève les boucles de ta chevelure,
Ton masque si fin se tend comme une offrande,
Ton corps s'enfonce dans une lagune d'étoiles et de lis
d'eau.
Dors, chair élue de ma chair!
Mais il semble que, sous des paupières closes,
Tu désires la résurrection de notre premier matin.
L'ombre de François Villon s'allonge sur le mur des
Ursulines.
Comme un oiseau de proie, ma tristesse s'attache à son
flanc imaginaire, cependant que le soir descend avec des
douceurs mourantes de roses effeuillées.
Je vous attends dans ma solitude, fleur rare. Venez, je
vous parlerai de lui jusqu'à ce qu'il revienne.
Je vous placerai dans mon vase à fleurs. Je ne sais nul
autre endroit qui soit plus digne de vous. Vous les ferez pâlir,
dans ma mémoire, les plus belles, celles qui ont vécu l'espace
d'un matin.
Moins menacée par l'heure qui s'écoule, et non seulement
belle, mais parlante, vous direz: « Je ne suis pas fâchée contre
vous! » Et ces choses exquises dont vous avez, seule, le
secret, dont tout le sens ne vous est pas connu.
Votre âme aux délicatesses infinies, pure à force d'être
vraie, coulera comme l'ambroisie d'une amphore.
La solitude sera brûlée par la flamme de vos yeux: il y
aura toute l'âme humaine à son éveil dans mon courtil
déserté.
Nous regarderons ensemble le fantôme de Villon sur le
mur. Il sera rayonnant et, dans une apothéose, montera dans
le ciel sous le chant exhalé de vos lèvres.
Venez, la nuit va m'engloutir et je vais avoir peur de moi-
même, si seul, si grandement seul.
Venez surtout pour que nous assistions à l'assomption du
grand maudit dont le fantôme obsède le mur des femmes
saintes.
Venez, puisque vos paroles sont des prières humaines où
fleurit un coeur.