PLUME DE POÉSIES
Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.

PLUME DE POÉSIES

Forum de poésies et de partage. Poèmes et citations par noms,Thèmes et pays. Écrivez vos Poésies et nouvelles ici. Les amoureux de la poésie sont les bienvenus.
 
AccueilPORTAILS'enregistrerDernières imagesConnexion
 

 François Fénelon. (1651-1715) DIALOGUE 13

Aller en bas 
AuteurMessage
Invité
Invité




François Fénelon. (1651-1715) DIALOGUE 13 Empty
MessageSujet: François Fénelon. (1651-1715) DIALOGUE 13   François Fénelon. (1651-1715) DIALOGUE 13 Icon_minitimeDim 27 Jan - 1:23

DIALOGUE 13

Solon et Justinien.
Idée juste des lois propres à rendre un peuple bon
et heureux.

Justinien.
Rien n' est semblable à la majesté des lois
romaines. Vous avez eu chez les grecs la
réputation d' un grand législateur ; mais si vous
aviez vécu parmi nous, votre gloire auroit été
bien obscurcie.

Solon.
Pourquoi m' auroit-on méprisé en votre pays ?

Justinien.
C' est que les romains ont bien enchéri sur
les grecs pour le nombre des lois et pour leur
perfection.

Solon.
En quoi ont-ils donc enchéri ?

Justinien.
Nous avons une infinité de lois merveilleuses
qui ont été faites en divers temps. J' aurai,
dans tous les siècles, la gloire d' avoir
compilé dans mon code tout ce grand corps
de lois.
J' ai ouï dire souvent à Cicéron ici-bas que
les lois des douze tables étoient les plus
parfaites que les romains aient eues. Vous
trouverez bon que je remarque en passant que ces
lois allèrent de Grèce à Rome, et qu' elles
venoient principalement de Lacédémone.

Justinien.
Elles viendront d' où il vous plaira : mais
elles étoient trop simples et trop courtes pour
entrer en comparaison avec nos lois, qui ont
tout prévu, tout décidé, tout mis en ordre
avec un détail infini.

Solon.
Pour moi, je croyois que des lois, pour être
bonnes, devoient être claires, simples, courtes,
proportionnées à tout un peuple qui doit
les entendre, les retenir facilement, les aimer,
les suivre à toute heure et à tout moment.

Justinien.
Mais des lois simples et courtes n' exercent
point assez la science et le génie des
jurisconsultes ; elles n' approfondissent point
assez les belles questions.

Solon.
J' avoue qu' il me paroissoit que les lois
étoient faites pour éviter les questions
épineuses, et pour conserver dans un peuple les
bonnes moeurs, l' ordre et la paix : mais vous
m' apprenez qu' elles doivent exercer les esprits
subtils, et fournir de quoi plaider.

Justinien.
Rome a produit de savants jurisconsultes :
Sparte n' avoit que des soldats ignorants.

Solon.
J' aurois cru que les bonnes lois sont celles
qui font qu' on n' a pas besoin de jurisconsultes,
et que tous les ignorants vivent en paix à l' abri
de ces lois simples et claires, sans être réduits
à consulter de vains sophistes sur le sens de
divers textes, sur la manière de les concilier.
Je conclurois que des lois ne sont guère
bonnes, quand il faut tant de savants pour les
expliquer, et qu' ils ne sont jamais d' accord
entre eux.

Justinien.
Pour accorder tout, j' ai fait ma compilation.

Solon.
Tribonien me disoit hier que c' est lui qui
l' a faite.

Justinien.
Il est vrai : mais il l' a faite par mes ordres.
Un empereur ne fait pas lui-même un tel ouvrage.

Solon.
Pour moi, qui ai régné, j' ai cru que la fonction
principale de celui qui gouverne les peuples
étoit de leur donner des lois qui règlent tout
ensemble le roi et les peuples pour les rendre
bons et heureux. Commander des armées et
remporter des victoires n' est rien en comparaison
de la gloire d' un législateur. Mais pour revenir à
Tribonien, il n' a fait qu' une compilation de
lois de divers temps qui ont souvent varié, et vous
n' avez jamais eu un vrai corps de lois faites
ensemble par un même dessein pour former les
moeurs et le gouvernement entier d' une nation : c' est
un recueil de lois particulières pour décider sur
les prétentions réciproques des particuliers.
Mais les grecs ont seuls la gloire d' avoir fait
des lois fondamentales pour conduire un peuple
sur des principes philosophiques, et pour
régler toute sa politique et tout son gouvernement.
Pour la multitude de vos lois que vous vantez
tant, c' est ce qui me fait croire que vous n' en
avez pas eu de bonnes, ou que vous n' avez pas su
les conserver dans la simplicité. Pour bien
gouverner un peuple, il faut peu de juges et peu
de lois. Il y a peu d' hommes capables d' être
juges : la multitude des juges corrompt tout. La
multitude des lois n' est pas moins pernicieuse : on ne les
entend plus, on ne les garde plus. Dès qu' il y en
a tant, on s' accoutume à les révérer en
apparence, et à les violer sous de beaux prétextes.
La vanité les fait faire avec faste, l' avarice et
les autres passions les font mépriser. On s' en
joue par la subtilité des sophistes, qui les
expliquent comme chacun le demande pour son
argent : de là naît la chicane, qui est un
monstre né pour dévorer le genre humain. Je juge
des causes par leurs effets. Les lois ne me
paroissent bonnes que dans les pays où on ne
plaide point, et où des lois simples et courtes
ont évité toutes les questions. Je ne voudrois
ni dispositions par testament, ni adoptions,
ni exhérédations, ni substitutions, ni emprunts,
ni ventes, ni échanges. Je ne voudrois qu' une
étendue très bornée de terre dans chaque famille,
que ce bien fût inaliénable, et que le magistrat
le partageât également aux enfants, selon la
loi, après la mort du père. Quand les familles
se multiplieroient trop à proportion de l' étendue
des terres, j' enverrois une partie du peuple faire
une colonie dans quelque île déserte. Moyennant
cette règle courte et simple, je me passerois
de tous vos fatras de lois, et je ne songerois qu' à
régler les moeurs, qu' à élever la jeunesse à la
sobriété,au travail, à la patience, au mépris de la
mollesse, au courage contre les douleurs et
contre la mort. Cela vaudroit mieux que de
subtiliser sur les contrats, ou sur les tutèles.

Justinien.
Vous renverseriez par des lois si sèches tout
ce qu' il y a de plus ingénieux dans la
jurisprudence.

Solon.
J' aime mieux des lois simples, dures et sauvages,
qu' un art ingénieux de troubler le repos des
hommes, et de corrompre le fond des moeurs.
Jamais on n' a vu tant de lois que de votre
temps : jamais on n' a vu votre empire si
lâche, si efféminé, si abâtardi, si indigne des
anciens romains qui ressembloient aux spartiates.
Vous-même vous n' avez été qu' un fourbe, qu' un
impie, un scélérat, un destructeur des bonnes
lois, un homme vain et faux en tout. Votre
Tribonien a été aussi méchant, aussi double, et
aussi dissolu. Procope vous a démasqués. Je
reviens aux lois : elles ne sont lois qu' autant
qu' elles sont facilement conçues, crues, aimées,
suivies, et ne sont bonnes qu' autant que leur
exécution rend les peuples bons et heureux. Vous
n' avez fait personne bon et heureux par votre
fastueuse compilation ; d' où je conclus qu' elle
mérite d' être brûlée.
Je vois que vous vous fâchez. La majesté
impériale se croit au-dessus de la vérité ; mais
son ombre n' est plus qu' une ombre à qui on
dit la vérité impunément. Je me retire
néanmoins pour apaiser votre bile allumée.


Revenir en haut Aller en bas
 
François Fénelon. (1651-1715) DIALOGUE 13
Revenir en haut 
Page 1 sur 1
 Sujets similaires
-
» François Fénelon. (1651-1715) DIALOGUE 8
» François Fénelon. (1651-1715) DIALOGUE 24
» François Fénelon. (1651-1715) DIALOGUE 40
» François Fénelon. (1651-1715) DIALOGUE 56
» François Fénelon. (1651-1715) DIALOGUE 72

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
PLUME DE POÉSIES :: POÈTES & POÉSIES INTERNATIONALES :: POÈMES FRANCAIS-
Sauter vers: