Le rêve que j'ai fait
6 octobre 1907
Cette nuit j'ai fait un drôle de rêve
Un rêve brutal comme le trépas
J'ai senti le sol s'ouvrir sous mes pas
Comme un sol maudit qu'un volcan soulève
Je suis descendu jusque dans l'enfer
Voir les malheureux expier leurs crimes
Et j'ai rencontré des coeurs magnanimes
J'ai vu leurs douleurs et j'en ai souffert
J'ai vu des beautés, des femmes maudites
Se purifiant sous l'oeil du bourreau
Et lavant leur nom au bord du ruisseau
Qui coule un miroir pour les Aphrodites
J'ai vu des vieillards au bord du chemin
Assis, méditant sur leur destinée
Humant le parfum d'une fleur fanée
Et la déchirant de leur maigre main
J'ai vu dans la brume un coin de Cythère
Et je fus présent au débarquement
Des fous entassés dans le bâtiment
Qui porte à son flanc le vrai nom Chimère
J'ai vu le théâtre où le genre humain
Sur la scène impure exhalte ses vices
J'ai vu de mes yeux les grands précipices
Où glisse aveuglé l'homme à son déclin
Cette nuit j'ai fait un drôle de rêve
Un rêve brutal comme le trépas
J'ai senti le sol s'ouvrir sous mes pas
Comme un sol maudit qu'un volcan soulève
Honoré HARMAND